Exposition présentée au musée de Picardie à Amiens
du 31 mai au 30 novembre 2014
à l’occasion du colloque de l’association française pour l’étude de l’âge du Fer.
Coproduction :
Musée de Picardie / Amiens Métropole - Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)
PROMENADE EN CAMPAGNE GAULOISE
Égaré sur l’un des innombrables chemins dont il ne connait pas les subtils méandres,
le voyageur a pour tout horizon d’inextricables barrières végétales. Ça et là, il devine la prairie
fraichement fauchée, le champ de blé aux épis chargés, et les moutons assoupis à l’ombre
d’un grand chêne. Parfois à la faveur d’une élévation, par-dessus le talus, il aperçoit le paysage,
vaste mosaïque de parcelles qui étirent leur ruban où mûrissent l’engrain et l’épeautre. Et au
milieu, comme perdus, s’élèvent par endroit les toitures de chaume. Alors il conduit ses pas
vers ce qu’il sait être une ferme, une, parmi tant d’autres.
Devant le porche qui interdit l’entrée, il peut apprécier la qualité de l’enceinte, l’imposant fossé
que double une levée de terre, et l’habileté des mains qui façonnent avec patience la haie et
taillent les arbres. C’est là, à n’en pas douter, la propriété de riches paysans qui depuis des
générations, avec obstination, saison après saison, administrent cette exploitation et ont su
tirer le meilleur profit de terres fertiles.
Tout dans la façon dont s’organise le domaine témoigne de cette réussite. A l’abri du vent et
des regards, les resserres pour les animaux, les granges abritant chariots et outils et bien sûr
de hauts greniers à grains, s’alignent autour de la vaste cour. De l’un des bâtiments couvert
de tuiles de bois, lui parvient le tintement du marteau du forgeron sur l’enclume. Le temps des
récoltes approche et toute la ferme doit ainsi fourbir l’outillage et chaque ustensile indispensable
à cet important moment.
Plus loin, derrière, le voyageur entrevoit aussi la haute toiture d’une belle maison aux murs
blanchis de chaux. Chez de tels hôtes, il ne doute pas qu’en échange de nouvelles venues de
loin, on ne lui refusera pas le gîte et que ce soir, la tablée sera bien pourvue…
Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition :
LES AUTEURS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
Ginette AUXIETTE, Inrap, UMR 8215 Trajectoires, archéozoologie
Sylvain BAUVAIS, Cnrs, LMC-IRAMAT/LAPA-SIS2M, la métallurgie
Muriel BOULEN, Inrap, UMR 7209, palynologie
Sylvie COUBRAY, Inrap UMR 7209, anthracologie
Carole DEFLORENNE, Inrap, archéologie, encart de Villeneuve-d’Ascq
Marie DERREUMAUX, Cravo, carpologie, encart de Villeneuve-d’Ascq et Péronne
Stéphane GAUDEFROY, Inrap, archéologie, encart Glisy, édification des habitats et des maisons
Frédéric GRANSAR, Inrap, UMR 8215 Trajectoires, archéologie, le stockage
Christine HOËT-VAN CAUWENBERGHE, Maître de conférences, Université de Lille 3, archéologie, le sel
Didier LAMOTTE, Inrap, UMR 6298, archéologie, encart de Péronne
Patrick LEMAIRE, Inrap, archéologie, encart de Saint-Quentin
François MALRAIN, Inrap UMR 8215 Trajectoires, Directeur d’ouvrage, archéologie, les outils
Armelle MASSE, archéologue départementale du CG62, archéologie, le sel
Patrice MENIEL, Cnrs, UMR 6298, archéozoologie
Gilles PRILAUX, Inrap UMR 8164, archéologie, le sel
Véronique ZECH-MATTERNE, Cnrs, UMR 7209, carpologie
présentée au musée de Picardie à Amiens à l’occasion du colloque Afeaf
du 31 mai au 30 novembre 2014
Commissariat de l’exposition
Noël MAHEO, conservateur en chef du patrimoine aux musées d’Amiens, chargé du département archéologie
Stéphane GAUDEFROY, Inrap
François MALRAIN, Inrap, UMR 8215 Trajectoires
Suivi éditorial
Elisabeth JUSTOME, Inrap
Noël MAHEO, conservateur en chef du patrimoine aux musées d’Amiens, chargé du département archéologie
François MALRAIN, Inrap, UMR 8215 Trajectoires
Régie des Œuvres
Bénédicte ROCHET, Musée d’Amiens
Annick THUET, Inrap
Illustrations
Benoît CLARYS
Thierry BOUCLET, Inrap
Olivier CARTON, Inrap
Diana DELAPLACE, Cravo
Stéphane LANCELOT, Inrap
Graphisme
Vincent GRISOTTO, Service archéologie préventive d’Amiens Métropole (SAAM)
Relectures
Les commissaires, Didier BAYARD, Elisabeth JUSTOME et Patrice MENIEL
Financement
Direction Régionale des Affaires Culturelles de Picardie
Musée de Picardie, Amiens Métropole
Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)
Prêteurs
Musée de la Côte d’Opale sud, Berck-sur-Mer : Georges DILLY
Musée de Normandie à Caen : Sandrine BERTHELOT
Musée de l’ardenne à Charleville Mézières : Alain TOURNEUX et David NICOLAS
Musée Antoine Vivenel de Compiègne : Claire ISELIN
Musée d’Art et d’Archéologie de Laon : Rémi BAZIN
Musée gallo-romain de Lyon Fourvière : Hugues SAVAY-GUERRAZ
Musée municipal de Soissons : Dominique ROUSSEL
Centre départemental archéologique de Ribemont-sur-Ancre : Yoann ZOTNA et Isabelle QUEYRAT
Service archéologique de la ville d’Arras, Alain JACQUES
Direction régionale des affaires culturelles de Picardie, Service régional de l’archéologie : Jean-Luc COLLART, Didier BAYARD
et Emmanuelle ALLART
Directions régionales des affaires culturelles de Haute-Normandie et du Nord-Pas-de-Calais, Services régionaux de l’archéologie.
Que soient ici remerciés tous ceux qui ont pris part à la mise en œuvre de cette exposition et du catalogue :
la direction et les personnels du Musée de Picardie, l’Inrap et le Service d’archéologie préventive d’Amiens Métropole et sa responsable, Josabeth MILLEREUX-LE-BECHENNEC. Les différents organismes et personnes prêteurs et les responsables d’opération qui ont accepté de mettre à disposition des objets de fouille encore à l’étude ainsi que des documents iconographiques.
Pour leur implication à la réalisation du catalogue, notre profonde gratitude s’adresse aux auteurs et aux illustrateurs.
SOMMAIRE
DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
Promenade en campagne gauloise ...........................................................................................................p.7
Fertiliser la terre............................................................................................................................................p.60
Comment ont progressé les connaissances sur la paysannerie gauloise ? .............................................p.12-15
Semer au printemps ....................................................................................................................................p.60-61
Quelle notion du temps les Gaulois avaient-ils ?........................................................................................p.16
La tonte des moutons..................................................................................................................................p.62-63
Le calendrier gaulois ...................................................................................................................................p.16-17
Le temps des naissances ...........................................................................................................................p.64
L’exploitation du lait, abattage des agneaux, autres indices .....................................................................p.65
La question des épizooties .........................................................................................................................p.65
Fenaisons et fourrages arbustifs .................................................................................................................p.66
DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Les moissons...............................................................................................................................................p.67
La moissonneuse gauloise : mythe ou réalité ? .........................................................................................p.68
Conquérir le milieu naturel...........................................................................................................................p.20
Le traitement des récoltes ...........................................................................................................................p.68-69
Installer un nouvel habitat ............................................................................................................................p.21
Une aire de battage en plein air au sein d’une exploitation agricole
Fonctions et enjeux des fossés...................................................................................................................p.22
ménapienne à Villeneuve-d’Ascq, La Haute Borne (Nord) ...........................................................................p.70
Réalisation des terrassements ....................................................................................................................p.23
Le conditionnement des produits alimentaires ..........................................................................................p.70
Glisy/Boves (Somme) ZAC de la Croix de Fer : des terroirs gaulois à la loupe ........................................p.24-27
Les moyens de stockage ............................................................................................................................p.70-71
Les architectures gauloises.........................................................................................................................p.28-35
Le stockage souterrain ................................................................................................................................p.72-73
Aménagements et équipements intérieurs .................................................................................................p.36-39
Un aperçu de l’agriculture gauloise sur le plateau du Santerre
L’habitat du paysan gaulois dans le Saint-Quentinois (Aisne)...................................................................p.40-42
Les résultats issus de la fouille de la plate-forme agro-industrielle de Péronne (Somme) .......................p.74-75
Des forgerons dans les fermes ? ................................................................................................................p.43
Le stockage en grenier surélevé .................................................................................................................p.76
Les travaux du forgeron...............................................................................................................................p.44
Les caves et celliers.....................................................................................................................................p.76-77
Mettre les animaux à l’abri et les nourrir .....................................................................................................p.45
Le stockage dans des céramiques.............................................................................................................p.78
Abattre les animaux et s’en nourrir..............................................................................................................p.46-47
Evolution du stockage entre le VIe et le Ier siècle avant notre ère et la gestion économique des surplus p.79
Des salaisons réputées ...............................................................................................................................p.48-49
Ecouler les productions et acquérir de la matière première ......................................................................p.80
Un savoir-faire de spécialiste ? ...................................................................................................................p.50
Le charbonnage ..........................................................................................................................................p.80-81
Atteler les animaux pour travailler la terre ...................................................................................................p.51
Le temps des fêtes ......................................................................................................................................p.82-89
Un équipement performant .........................................................................................................................p.52-53
Les semis d’automne ..................................................................................................................................p.54-55
Nouvelle méthode en carpologie ................................................................................................................p.56-57
POUR EN SAVOIR PLUS
Pour la jeunesse ..........................................................................................................................................p.90
Pour tous ......................................................................................................................................................p.90
Bibliographie des références citées dans le catalogue .............................................................................p.91
Crédits des illustrations et lieux de conservation des objets illustrés ........................................................p.92-93
Les différences de végétation révèlent très bien les aménagements de la période gauloise, comme cette vaste ferme de Bray-les-Mareuil (Somme)
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Le nombre de sites fouillés atteste d’une importante densité d’occupation.
Ainsi, sur cette carte, il est possible de suivre le tracé des grands aménagements
du territoire (autoroute, TGV), à la seule vue des découvertes réalisées sur leur tracé.
Dans la décennie suivante, la connaissance de ces sites a
bénéficié du développement de l’archéologie préventive. La
systématisation des interventions archéologiques effectuées
préalablement aux grands travaux d’aménagement du territoire partout en France et particulièrement en Picardie a totalement renouvelé nos savoirs sur les fermes et l’agriculture de
la période gauloise.
Exprimant peut-être l’affirmation de la propriété foncière qui
s’ancre dans le paysage, les fossés délimitent des enclos de
tailles variées qui abritent les corps de fermes. L’ampleur des
aménagements consentis en traduit la hiérarchie. Pour les
fermes très modestes, le fossé est peu large et peu profond,
et l’entrée n’est matérialisée que par sa simple interruption.
Pour d’autres, l’enclos plus vaste est défini par des fossés au
creusement important. Plus rarement, ils prennent l’allure de
véritables douves révélant le statut élevé du résident. L’organisation de l’habitat est alors rigoureuse, il faut franchir une
succession de cours pour accéder à la partie résidentielle. Les
portes qui permettent le passage de l’une à l’autre peuvent
être aménagées par des porches, voire gardées par des tours.
Les vestiges découverts accentuent les écarts de richesse.
Les plus pauvres se contentent d’un équipement minimum
tandis que les plus aisés possèdent des biens prestigieux
comme des armes, des monnaies, des parures, parfois agrémentés de produits d’importation telles les amphores vinaires
italiennes.
Simples paysans cultivant pour d’autres, exploitants de
fermes plus ou moins importantes ou bénéficiaires de vastes
domaines qui peuvent englober plusieurs cellules de production, la société gauloise est profondément inégalitaire. Pour
l’archéologue, le statut de chaque individu s’exprime aussi au
travers des mobiliers qui l’accompagnent dans la tombe.
Ces diverses exploitations agricoles sont reliées par des
chemins qui conduisent vers d’autres formes d’habitats :
hameaux, villages, bourgs, et plus tardivement, à l’orée du
premier siècle avant notre ère, vers les villes naissantes.
La pression démographique, un climat clément, un outillage
renouvelé alliés à de très bonnes connaissances agronomiques sont à l’origine du succès de l’agriculture gauloise. Par
ricochet, les richesses qu’elle a permis de dégager ont autorisé le développement de l’artisanat, du commerce et des villes.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
Les connaissances sur la paysannerie gauloise ont véritablement débuté dans les années 1970 lorsque à bord d’un
petit avion de tourisme l’un des plus célèbres archéologues
picards, Roger Agache, a photographié à la faveur d’une
sécheresse, d’un dépôt de givre ou d’une lumière rasante des
centaines de sites archéologiques. Ses recherches ont révélé une densité, jusqu’alors insoupçonnée, d’habitats de l’âge
du Fer. Cette période qui s’étend entre 800 à 50 avant notre
ère est divisée en deux grandes étapes. La première de 800 à
450 est dénommée Hallstattienne, qui est le nom d’une riche
nécropole fouillée au bord d’un lac autrichien. Lui succède le
second âge du Fer de 450 à 50 avant notre ère, aussi appelée
période de La Tène, du nom des fouilles conduites en Suisse
en milieu lacustre. Durant cette période s’opèrent d’importants changements de société comme l’essor de la métallurgie du fer, le développement de l’artisanat, du monnayage,
du commerce et l’éclosion des villes. À la campagne, c’est
l’accroissement considérable du nombre de fermes délimitées
par des fossés qui est le plus remarquable. Colmatés au cours
du temps, leurs fossés restent nettement visibles du ciel plus
de 2000 ans après leur édification et trahissent leur présence.
Quand il les découvrit, le prospecteur aérien les qualifia de
fermes indigènes, c’est-à-dire d’habitats construits en bois et
en terre antérieurs à la conquête romaine (entre 58 et 52/51
avant notre ère).
Explorer les campagnes gauloises au fil des saisons c’est
replonger dans une ruralité bien vivante, une histoire peu éloignée de la nôtre. C’est retrouver une panoplie d’outils et de
gestes en vigueur avant la révolution industrielle, qui pour
beaucoup, sont l’héritage que nous ont légué les paysans
gaulois.
13
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
COMMENT ONT PROGRESSÉ LES CONNAISSANCES SUR LA PAYSANNERIE GAULOISE ?
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
Trousse de toilette et parures.
Ces objets personnels accompagnent souvent les défunts
dans la tombe. Boves « La Vallée de Glisy », collier de perles
(verre, lignite, ambre et os), crochet de ceinture et bracelets en
bronze, seconde moitié du IIe siècle avant notre ère.
Pince à épiler en fer, Glisy (Somme)
Fibules en fer, Glisy (Somme)
Les ustensiles destinés à la toilette témoignent du souci qu’avaient les Gaulois de leur apparence.
15
14
Bracelets et boucles.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
QUELLE NOTION DU TEMPS LES GAULOIS AvAIENT-ILS ?
Si le paysage des campagnes gauloises peut nous paraître
presque familier, à l’exception des haies qui n’ont que très
ponctuellement résisté aux différents remembrements, le
foisonnement humain et l’intense activité qui y régnaient à
certaines périodes nous étonnent tant nous sommes coutumiers d’espaces agro-pastoraux désertés, seulement parfois
ponctués d’engins agricoles.
Les travaux auxquels se livraient les Gaulois étaient guidés
à la fois par une observation minutieuse de la nature et par
une connaissance approfondie des astres comme nous
l’enseignent ces deux passages d’auteurs qui furent leurs
contemporains « … Tout gui venant sur le rouvre est regardé comme envoyé du ciel ; ils pensent que c’est un signe
de l’élection que le dieu même a faite de l’arbre. Le gui sur
le rouvre est extrêmement rare, et quand on en trouve, on le
cueille avec un très grand appareil religieux. Avant tout, il faut
que ce soit le sixième jour de la Lune, jour qui est le commencement de leur mois, de leurs années et de leurs siècles, qui
durent trente ans ; jour auquel l’astre, sans être au milieu de
son cours, est déjà dans toute sa force » Pline l’Ancien (23-79
de notre ère), Histoire naturelle, Livre XVI - XCV.
« Les Gaulois se vantent d’être issus de Dis Pater (du dieu
Pluton), selon la tradition des druides ; c’est par cette raison
qu’ils mesurent le temps, non par le nombre des jours, mais
par celui des nuits : les jours de naissance, le commencement du mois et celui des années sont toujours comptés de
manière que le jour n’entre dans le calcul qu’après la nuit. »
Jules César (100-44 avant notre ère) la Guerre des Gaules,
Livre VI - XVIII.
LE CALENDRIER GAULOIS
C’est cependant à une découverte archéologique majeure
que l’on doit des connaissances plus précises. À Coligny
(Ain), furent découverts en 1897, cent cinquante trois fragments en bronze d’un calendrier daté du IIe siècle de notre
ère. Deux mille lignes gravées sur seize colonnes portent
mention des mois et des jours. Des trous percés en lignes
verticales en face de chaque jour permettaient l’installation
de chevilles amovibles pour mémoriser certaines dates. Son
étude a montré que l’année celtique comportait douze mois
lunaires de 29 ou 30 jours (le mois lunaire est de 29 jours et
demi) soit au total 355 jours. Il manquait donc une dizaine de
jours pour recouvrir une année entière. Afin d’y parvenir et
d’accorder les deux calendriers solaire et lunaire, les astro-
nomes celtes intercalèrent deux mois de trente jours ; les
deux calendriers se rejoignaient donc au bout de 30 ans, ce
qui d’après Pline correspond au siècle gaulois.
Selon ce calendrier, le premier mois de l’année est
samonios (l’équivalent de début novembre) et le dernier
est cantlos (équivalent de fin octobre). L’année est divisée
en deux périodes : l’une sombre et hivernale, de samonios
(début novembre) à cutios (fin avril) et l’autre claire et estivale, de giamonios (début mai) à cantlos (fin octobre). C’est
ce découpage du temps qui est repris dans le présent
ouvrage. Toutefois, l’honnêteté impose d’avertir le lecteur : si
des preuves scientifiques permettent de situer des activités
au cours de l’année, d’autres échappent à cette perception
et leur distribution dans le temps répond alors davantage à la
logique qu’à des preuves matérielles.
Calendrier en bronze de Coligny (détail) (Ain)
17
16
Calendrier en bronze de Coligny (Ain) découvert en 1897 présenté au musée de Lyon Fourvière.
DE SAMONIOS À CUTIOS
LA SAISON SOMBRE
20
Hache à emmanchement à douille
Ribemont-sur-Ancre (Somme)
Ces outils ont permis au gaulois de s’approprier des
espaces naturels pour établir leurs productions.
période que les Gaulois empiétaient sur la nature pour installer un nouvel habitat, établir une parcelle de culture ou une
prairie, s’approvisionner en matériaux pour construire un
bâtiment ou emmagasiner du bois de chauffe.
Céréale
Graminée
Enclos curviligne de 6500 m² daté de la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère, et
fossés rectilignes gallo-romains marquant des limites de parcelles agricoles.
« Le Bois du Canada » Glisy, site D.
Plantain lancéolé
La création d’une exploitation agricole nécessitait d’importants terrassements. À la différence des plans réguliers
de certains sanctuaires et oppida (les premières villes) qui
ont du faire appel à des architectes expérimentés, dans
les campagnes, le tracé des enclos n’est guère normalisé.
Il affecte plutôt des formes trapézoïdales, mêlant tronçons
rectilignes et courbes. L’espace ainsi délimité est lui-même
découpé en parcelles plus petites par des fossés dont les
interruptions signalent des passages, parfois larges, permettant à des chariots de circuler, parfois très étroits n’autorisant
que l’accès au compte goutte du bétail. L’entrée principale
reste souvent l’endroit le mieux structuré avec le doublement
des fossés, des chicanes contraignant la circulation et des
porches. Ces fossés forment une trame complexe, dont le
développement dépasse fréquemment le kilomètre pour des
habitats qui occupent quelques milliers de mètres carrés à
plus d’un hectare.
50 µ
À la période gauloise, les pollens forestiers sont de moins en moins présents dans les
échantillons palynologiques ce qui traduit une ouverture du milieu naturel
Les fossés qui
délimitent les habitats
sont plus ou moins
larges et profonds
selon le statut des
propriétaires.
Noisetier
Chêne
*Taxon : appellation générale pour désigner toute unité systématique de rang quelconque, espèce, genre.
*Rudérales : plantes croissant sur les sites fortement transformés par une activité humaine comme l’ortie et le chiendent.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Avec le développement des sciences de l’archéologie, de
nouvelles disciplines émergent. Le moindre vestige prélevé
est passé au crible : pollens, graines, bois, charbons de
bois… La somme d’informations fournies permet de restituer une image plus juste des paysages qui environnaient
les fermes.
Les études de pollens (la palynologie) montrent que les
forêts gauloises étaient constituées de chênaies/hêtraies
où quelques charmes, ormes et tilleul trouvaient également
leur place. Dans les diagrammes polliniques élaborés en
comptant le nombre de taxons* des différentes espèces, les
pollens de céréales et de plantes rudérales* témoignent du
recul de la couverture forestière devant la prairie, la présence
du plantain trahissant l’ampleur des déboisements. Après
avoir subi des phases successives de défrichements, le
paysage de la fin de la période gauloise était très ouvert.
Le développement de la métallurgie du fer, en généralisant
un outillage plus performant a permis cette conquête sans
précédent du milieu naturel, à un point tel que des espaces
considérés aujourd’hui peu attractifs pour l’agriculture étaient
mis à contribution, comme les cordons du littoral picard, par
exemple.
L’expansion de l’habitat a été favorisée par le développement d’outils tranchants comme les lourdes haches en fer
qui ont permis d’abattre les arbres en grand nombre. Les
bûcherons interviennent essentiellement en périodes hors
sève, en automne ou en hiver, ce qui n’exclut pas que ce
travail puisse prendre place à un autre moment de l’année.
Œuvrer en cette saison présente bien des avantages, le bois
est moins sensible aux attaques des parasites, l’absence de
feuillage facilite l’ébranchage, le temps de séchage éventuel
est plus court et la teneur en eau réduite permet un transport plus aisé du bois si celui-ci n’est pas travaillé sur place.
L’arbre abattu, les grosses branches sont séparées du tronc
et les perches sont soigneusement mises de côté pour être
utilisées aux diverses constructions tandis que la
petite ramure constitue des fagots qui sont
utilisés dans le bois de feu. C’est donc
plus probablement durant cette
INSTALLER UN NOUvEL HABITAT
Noisetier
Tilleul
Hêtre
Chêne
50 µ
Pollens des milieux anthropisés, leur présence relate la transformation d’espaces naturels en
espaces cultivés sous l’action de l’homme
Herminette
Mondeville, L’Étoile II (Calvados)
21
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
CONQUÉRIR LE MILIEU NATUREL
RÉALISATION DES TERRASSEMENTS
La notion de fossé recouvre des réalités très variées, selon
son tracé, son profil et la profondeur de son creusement. Il est
d’abord une limite physique, visible dans le paysage, à la fois
marqueur d’une propriété et séparation entre deux espaces.
Il remplit aussi une fonction de drain, bordant les parcelles
cultivées et les chemins. La haie lui était sans doute systématiquement associée, formant un maillage dense structurant le
paysage et remplissant de nombreux rôles (brise-vent, abris
pour la faune et le bétail, fourrage, bois de chauffe et bois
d’œuvre, fruits).
Selon sa morphologie et s’il est bordé par exemple d’un
talus, le fossé sert aussi de barrière aux animaux et aux
hommes. Une fonction défensive est toutefois difficile à
évaluer en l’absence des élévations. Sans commune mesure
avec les circonvallations que l’on connaît pour les sites fortifiés contemporains, les oppida*, certaines configurations de
fossés d’habitat, profonds de plusieurs mètres, aux parois
abruptes et sans interruption, avaient certainement un aspect
dissuasif.
A ces fonctions pratiques s’ajoute aussi un rôle ostentatoire,
signe extérieur de richesse. C’est ainsi que seule la partie
de l’enclos la plus exposée aux regards, le long d’une voie,
pourra être renforcée en augmentant la profondeur du creusement. Le temps et les moyens humains consentis pour
réaliser cet aménagement au-delà des stricts besoins fonctionnels, constituent alors un investissement à la hauteur du
rang social des propriétaires.
La création d’un nouvel enclos concernait toute la communauté et mobilisait une importante main d’œuvre. L’analyse
des creusements et des tracés des enclos suggère parfois
une phase préparatoire du terrain (défrichement, enlèvement
de la terre arable) et le travail simultané de plusieurs équipes
de terrassiers. Cela suppose un plan d’ensemble préétabli et
un maître d’ouvrage qui coordonne les travaux. Cependant,
beaucoup d’exemples témoignent aussi d’aménagements
nettement moins concertés.
Selon la nature du substrat, sable des vallées, limons argileux
des plateaux ou roche des versants érodés, le temps et les
Certains fossés de délimitation des habitats faisaient l’objet d’un grand soin dans l’aménagement des parois et l’édification d’un talus.
Fossé de limite d’un établissement agricole en cours de fouille. Seconde moitié du IIIe siècle
avant notre ère. « Les Quatorze » Glisy, site C.
Les bâtiments agricoles de cette petite ferme, greniers, annexes et grange, sont parfaitement
alignés le long du fossé limitant l’exploitation. « Les Quatorze », Glisy, site C.
moyens sont différents. Pour les outils et les modes opératoires, on envisage l’utilisation de l’araire et d’instruments en
bois pour défoncer les terrains les plus meubles. Pour les sols
plus compacts, le pic et la barre de fer devaient être employés.
Les sédiments extraits étaient disposés en cordon pour former
un talus, ou évacués. Les terrains limoneux fournissaient le
matériau de base nécessaire à la construction des maisons et
des fours, et des stocks devaient être constitués en attendant
d’être utilisés. Les gros terrassements prenaient nécessairement place en dehors des périodes de récoltes, trop sèches
ou trop froides et donc plutôt à l’automne. Tout au long de
l’année on pouvait trouver le temps pour l’entretien des fossés,
le curage suite à l’affaissement des parois dû au ruissellement,
ou la modification d’un tracé existant.
Les simples limites bordant une parcelle ou un chemin, de
quelques dizaines de centimètres de profondeur, étaient rapidement envahies par la végétation qui assurait le maintien
des parois. Pour les structures plus profondes, les effondrements causés par les intempéries (ruissellement, gel) ou le
piétinement, élargissaient rapidement le creusement initial et
le comblement du fond de la structure. Pour conserver des
parois fortement inclinées, un boisage des parois avec des
planches ou un clayonnage était parfois réalisé. Afin d’éviter
que les sédiments extraits qui forment les talus, s’effondrent et
colmatent les fossés, un parement à la base du talus a parfois
été réalisé. À Longueil-Sainte-Marie (Oise), des blocs de terre
crue ont ainsi été disposés sur le pourtour du fossé, à PontRémy (Somme) un petit muret a été construit avec des silex.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
FONCTION ET ENjEUx DES FOSSÉS
23
22
*Oppida : Mot latin pour désigner les agglomérations
gauloises et les villes. Implantées près de grands axes de
communication terrestre et fluviale, les villes correspondent
souvent aux capitales des territoires gaulois. Pôle politique
et religieux, l’oppidum est aussi le siège d’activités financières et commerciales.
50
Camon
25
la Somme
Lamotte-Brebière
N
Blangy-Tronville
25
50
Glisy
Longueau
25
67,5
50
75
Cagny
25
l'A
vre
100
50
75
50
75
Boves
500 m
HABITAT
IVe-IIIe s. av.
25
FERME
fin IIIe s. av.
ÉTABLISSEMENT
GAULOIS / GALLO-ROMAIN
d'après cliché aérien
et google earth
annexes
67,
pacage
5
habitation ?
FERME / VILLA
fin IIe s. av. / IIIe s. ap.
LES DE
CAMPAGNES
DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES DE
CAMPAGNES
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
DES SAISONS
SOMBRE
HABITAT, TROPHEE
IIe s. av.
habitation ?
50
grange ?
75
ENCLOS
IIIe-IIe s. av.
FERME
début IIIe s. av.
pacage
25
grange ?
FERME
IIIe-IIe s. av.
VIIe siècle av.
Ve-IVe siècle av.
IVe-IIIe siècle av.
IIIe-IIe siècle av.
Ier siècle av.
Ier siècle av./Ier siècle ap.
Ier-IIIe siècle ap.
?
?
24
0
25 m
création
maintien
Aux portes d’Amiens, sur la commune de Glisy (Somme), entre la fin du IVe siècle avant notre ère et le IIIe siècle après se
côtoient et se succèdent une dizaine d’établissements agricoles occupés par une petite aristocratie de propriétaires terriens
HABITAT
IVe s. av.
l'A
vr
e
1 ha
500 m
25
Evolution du site
GLISY/BOvES (SOMME)
ZAC DE LA CROIx DE FER : DES TERROIRS GAULOIS À LA LOUPE
La confluence des rivières de l’Avre et de la Somme a modelé en amont d’Amiens un plateau de plusieurs centaines de
mètres de large et plusieurs kilomètres de long, dominant
les vallées d’une cinquantaine de mètres. Depuis 1996, les
recherches archéologiques menées dans le cadre de l’aménagement d’une ZAC se développent parallèlement à la vallée de
l’Avre sur environ 3 km de long et 1 km de large. Elles lèvent le
voile sur une campagne gauloise densément occupée à partir
du IIIe siècle avant notre ère. Jusqu’à la Conquête, plusieurs
fermes se partagent ce territoire.
Les sondages archéologiques ont porté sur 160 ha et 13 ha ont
été décapés dans le cadre de fouilles menées sur une dizaine
de fermes et d’enclos. Les sites se développent selon un axe
nord-ouest/sud-est déterminé par la topographie des lieux et
la présence d’entailles perpendiculaires à la vallée, qui sont
autant de voies naturelles pour accéder aux cours d’eau. Les
histoires particulières de chaque établissement et les nécropoles associées racontent l’évolution du peuplement sur ce
bout de territoire ambien.
26
La ferme la plus ancienne apparaît dans la première moitié
du IIIe siècle avant notre ère (Glisy « Les Quatorze », site C).
L’habitat couvre une surface de 3000 m², limité au sud et à l’est
par un fossé formant un L de 65 m par 28 m. Ces orientations
qui fixent déjà les axes directeurs inchangés jusqu’à la fin de
l’occupation gallo-romaine, suggèrent l’existence d’une autorité garante de cette cohérence. Le fossé est ici creusé dans la
craie et avait à l’origine une profondeur estimée à 1,60 m. Les
matériaux qui l’ont colmaté sont issus du démantèlement d’un
talus situé du côté externe, constitué des sédiments extraits au
moment de l’aménagement. Une passerelle enjambait le creusement près de l’angle du fossé, tandis que dans le prolongement du petit côté, des poteaux permettent de restituer une
porte. Ce dernier élément conforte l’hypothèse qu’une clôture,
sans doute une haie, refermait le reste de l’espace. Le fossétalus offrait peut-être une protection renforcée contre les vents
soufflant de la vallée de l’Avre. Il était sans doute aussi destiné
à afficher ostensiblement la puissance des propriétaires du
lieu.
L’enceinte abrite une douzaine de bâtiments sur poteaux
agencés de manière ordonnée autour d’une cour : des
greniers, des constructions rectangulaires d’une quinzaine de
mètres carrés à usage d’annexe ou d’abri pour les animaux,
une grande construction de 80 m², peut-être une grange et
Le statut des propriétaires de ces fermes apparaît parfois
élevé. Une amphore vinaire produite sur la côte ouest de l’Italie
témoigne du goût des élites pour cette boisson, que l’on se
procurait à grand prix et que l’on consommait à l’occasion de
festivités. A Glisy, cet emballage vide a été déposé intentionnellement par-dessus une incinération que venait d’éventrer le
terrassement d’un nouveau fossé du site H, en un geste de
respect pour un personnage dont la tombe pourrait par ailleurs
être un élément marqueur de la fondation de l’occupation. Elle
est remarquable par la qualité du mobilier associé aux restes
incinérés de l’adulte - fibules, paire de forces, rasoir et pince à
épiler, le tout en fer, vases et pièce de viande de porc - représentatif d’un rituel funéraire bien codifié qui montre la prépondérance du symbolisme du banquet et des rites alimentaires,
impliquant le partage entre le mort, les vivants, et les dieux.
Une soixantaine de tombes de ces propriétaires terriens,
isolées ou le plus souvent réunies en petits ensembles, sont
dispersées à la périphérie des habitats.
LES DE
CAMPAGNES
DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
SOMBRE
Umbo de bouclier, Glisy « Les Champ Tortus » (Somme)
Après l’abandon de la place, deux fermes apparaissent, l’une à
750 m au sud-est (Boves « La Vallée de Glisy »), l’autre à 600 m
au nord-ouest (Glisy « Les Terres de Ville », Clarins). Pendant
la période qui va de 250 à 100 avant notre ère, le nombre de
fermes contemporaines est le plus élevé, avec quatre ou cinq
occupations. Mais elles n’ont pas le même statut ni sans doute
les mêmes vocations. La plus riche, en termes d’aménagement et de qualité des mobiliers, est celle des « Terres de Ville »
que l’on peut qualifier d‘aristocratique. Deux vastes enclos
accolés se développent sur plus de 2,4 ha. Au centre, un
profond fossé entoure un espace quadrangulaire de 2800 m².
On y accédait uniquement par une passerelle, peut-être
dans un souci défensif. Mis à part une forge, les autres activités de l’établissement, notamment agricoles, sont difficiles
à appréhender faute de macro restes végétaux. L’élevage est
en revanche mieux connu grâce aux vestiges de faunes. La
relative abondance du porc, l’âge assez précoce d’abattage,
la consommation de veaux et d’agneaux, témoignent d’une
alimentation carnée de qualité. Néanmoins, la consommation
de bêtes réformées, bœufs, moutons et chevaux, traduit aussi
des contraintes de subsistance.
Un établissement de peu postérieur (Glisy « Les Champs
Tortus »), situé cette fois au-dessus de la vallée de la Somme,
a livré un exceptionnel ensemble d’armes, principalement
des boucliers. Ce trophée, qui ornait une porte monumentale
défendue par un corridor d’accès, renvoie à des pratiques
rencontrées en contexte de sanctuaire. Pourtant l’occupation a bien l’apparence d’un site à vocation agricole, avec un
enclos qui se développe sur 4600 m² et des rejets détritiques
ordinaires. Ces manifestations révèlent une certaine imbrication des pratiques cultuelles et domestiques au sein de cet
établissement.
Vers le milieu du IIe siècle avant notre ère, une nouvelle ferme
voit le jour à 500 m à l’est (Glisy « Les Quatre », site H). Elle est
destinée à un long avenir et son plan régulier tranche avec les
modèles antérieurs. Elle occupe un grand rectangle de 135 m
par 67 m, ceinturé par un double fossé. L’entrée est aménagée
sur le petit côté sud et donne accès à une première cour de
3800 m², jouxtant un second enclos de 1800 m², dont le fossé
continu ne comporte aucun aménagement permettant l’accès. C’est là que s’élève l’habitation principale. Trois phases
de réaménagement vont se succéder jusqu’au IIIe siècle de
notre ère, transformant l’exploitation gauloise en une villa gallo-
romaine. Mais si les modes de construction changent, avec
l’usage de la pierre et le creusement de caves sous les bâtiments, le plan de départ et le découpage des espaces de la
propriété restent inchangés. La ferme s’insère dans une trame
étendue de fossés plus ou moins rectilignes, qui morcellent
les terres en parcelles dévolues aux champs et aux prairies,
et le long desquelles couraient des chemins. L’une de ces
parcelles forme un grand rectangle de 460 m de long et 130 m
de large, soit 6 ha.
Un enclos de forme elliptique se développe à une centaine de
mètres au sud (Glisy «Le Bois du Canada», site D). Cet espace
de 6500 m² presque désert et sans rejets dans le fossé, pourrait avoir servi au parcage d’animaux.
N
annexes
ha
ie
cour ?
?
jardins ?
?
greniers
tal
us
grange ?
et
ha
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silo
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passerelle
fosse ou poteau
chablis
0
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vallon
sec
25 m
« Les Quatorze », Glisy, site C.
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LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES DE
CAMPAGNES
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
DES SAISONS
SOMBRE
enfin une construction en position centrale de 50 m², à double
porte, interprétée comme l’habitation principale. Cinq de ces
bâtiments ont connu une phase de reconstruction au même
emplacement et l’on peut estimer la durée d’occupation à une
cinquantaine d’années.
La création de l’établissement est contemporaine d’une tombe
de guerrier inhumé avec son bouclier à moins de 300 m au
nord, mais rien ne permet en l’état de reconnaître en lui un
personnage important de cet habitat.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES ARCHITECTURES GAULOISES
Pour abriter les animaux des intempéries et des prédateurs, protéger les réserves des rongeurs, stocker les outils,
créer des espaces de travail et se loger, le paysan utilisait
les ressources locales, principalement le bois et la terre. Le
paysan bâtisseur s’inscrit dans un ensemble de traditions
architecturales, adaptées au milieu et aux matériaux utilisés. Aujourd’hui la subtilité de ce bâti échappe largement à
l’archéologue car ne subsistent que les trous creusés pour
y loger les poteaux. La variété des plans, les superficies, le
nombre de poteaux, impliquent l’existence de constructions
spécifiques, étables, granges, appentis. Les études ethnographiques, mais aussi l’expérimentation et la connaissance
des critères comme la longueur des portées des bois, pente
du toit par exemple sont déterminantes pour reconstituer les
étapes de la construction et les hypothèses de restitution.
La construction d’un nouveau bâtiment, suivant son importance, pouvait nécessiter une main d’œuvre nombreuse et
la construction devait donc être planifiée afin de réunir les
matériaux. Les premières mises en forme des arbres abattus devaient être faites sur le chantier d’abattage (écorçage,
clivage au coin, équarrissage à la hache). Le travail du bois
encore vert est plus aisé et cela facilitait également la manutention, le poids du chêne par exemple est d’une tonne par
mètre cube.
A Vendresse (Ardennes), des bases de poteaux conservées
portent des mortaises borgnes et des encoches peut-être
liées au transport. Le débardage utilisait la traction animale,
cheval ou bœuf, pour acheminer les troncs sur le chantier de
construction.
La gestion des ressources forestières était rigoureuse et
régie sur plusieurs années pour fournir à la fois les poteaux
porteurs, de charpente et les perches nécessaires à l’ossature des murs (clayonnage) et aux supports de la couverture
(voliges). Les émondoirs et les serpes que l’on trouve parfois
déposés dans les tombes témoignent de telles préoccupations. L’entretien des haies, en fonction des essences et du
rythme des tailles, concourait largement à la fourniture en
matière première.
L’outillage du charpentier est peu varié, polyvalent et n’a
guère évolué depuis lors. On utilise surtout la hache et l’herminette, ainsi que la plane ; l’usage de la scie apparaît rare.
Les ciseaux permettent de tailler les assemblages à mi-bois
et dégager les tenons et les mortaises ; la mèche-cuillère
équipe la tarière pour percer les trous permettant l’assemblage par chevillage, les clous en fer étant employés pour
des menuiseries.
Après d’éventuels travaux de nivellement, la construction
d’un édifice commence par un solide ancrage dans le sol des
poteaux qui vont supporter le poids de la charpente, à une
profondeur pouvant dépasser le mètre. Les poteaux, généralement en chêne, peuvent dépasser 80 cm de diamètre mais
des sections moindres sont plus fréquentes. C’est le duramen, dit bois parfait, résistant aux pourritures et aux attaques
d’insectes puisqu’il ne comporte plus de cellules vivantes,
qui est généralement employé dans les structures porteuses,
alors que l’aubier est éliminé, probablement par équarrissage superficiel.
La base des poteaux est aplatie, le fût équarri ou non, ou
sous forme de demi-tronc. Ils sont liés à leur sommet par des
poutres qui porteront les chevrons. En fonction du nombre de
poteaux, l’espace habitable sera à une, deux, plus rarement
trois nefs. Pour les opérations de levage et la manutention
des pièces lourdes, on utilisait des cordes (saule, cuir), on
s’aidait de la traction animale et il existait sans doute des
moyens de levage (chèvre).
Les parois sont ensuite constituées d’un clayonnage, entrelacs de baguettes et de branches, bloquées dans une
feuillure. Le noisetier, le saule, le cornouiller, la viorne et le
troène sont des essences souples qui se prêtent à cet
emploi. Les noisetiers peuvent être taillés à la base et rejeter
de souche, formant une cépée* adaptée à la production de
bois d’œuvre et de combustible.
Ce lacis est ensuite recouvert de torchis (mélange de limon
sableux, de paille et d’eau), ou doublé par des briques de
terre crue (adobe). Pour un édifice d’une cinquantaine de
mètres carrés, le volume de torchis est d’une dizaine de
mètres cubes.
Dans certaines constructions, le mur de périphérie est écarté
du module porteur et augmente ainsi considérablement la
surface qui dépasse alors parfois 100 m². Cette cloison est
élevée sur sablière basse, à même le sol ou posée dans une
tranchée peu profonde ; d’autres fois elle est composée de
petits poteaux. L’existence de constructions en troncs empilés (blockbau) ou en planches rainurées est également vraisemblable, pour les greniers construits sur plateforme surélevée, par exemple.
Hypothèse de reconstitution d’un bâtiment sur sablières basses et poteaux porteurs du IIIe avant notre ère, Parc archéologique de Samara (Somme).
Pour évacuer l’eau rapidement, la toiture doit respecter une
pente supérieure à 45°. La charpente est sans doute le plus
souvent à quatre pans pour des questions d’équilibre des
poussées, cependant des constructions avec pignons existaient. La taille de certaines fondations laisse envisager l’existence d’un étage.
29
28
*Cépée : Ensemble de rejets sortant de la souche d’un arbre coupé.
30
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
31
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
3
1
500 μ
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Section transversale de charbon de noisetier
(Corylus avellana) Poulainville (Somme).
Cette tige de petit calibre (diam. ≤ 0, 4 cm) a été utilisée dans le clayonnage d’une paroi ;
le plus souvent seule l’empreinte est conservée dans le torchis.
2
L’empreinte des poteaux ayant servi à l’élévation des constructions est parfois lisible dans les
trous de fondation comme ici à Poulainville (Somme).
4
500 μ
Section transversale de charbon de chêne à feuillage caducifolié
(Quercus sp. fc) Palaiseau (Île-de-France).
Il met en évidence l’utilisation d’un bois de qualité pour construire les bâtiments.
33
32
Outils pour le façonnage du bois :
1 : hache à douille, Sermoise (Aisne)
2 : herminette, Mondeville (Calvados)
3 : scie, Villeneuse-Saint-Germain (Aisne)
4 : plane, Villeneuse-Saint-Germain (Aisne)
Reconstitution d’un bâtiment à toiture en bardeaux de chêne.
Chantier naval de Pont Rémy.
Bâtiment à poteaux et sablière périphérique du site de Glisy « Les Champs Tortus ».
Première moitié du IIe siècle avant notre ère.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Pour la couverture, étape longue et cruciale pour assurer la
pérennité dans le temps de l’édifice, on employait la paille de
blé, le roseau ou le genêt. La paille pouvait être coupée après
la récolte de la céréale en Août, tandis que le roseau l’était
peut-être l’été et mis à sécher. Des liens végétaux, comme
des branches de saules, étaient utilisées pour fixer les bottes
sur les supports de la toiture. Sur des bâtiments où le risque
d’incendie est important, une forge par exemple, le bardeau
de chêne était employé.
N
2m
5m
35
34
0
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Restitution du chaudron et de la crémaillère
de la sépulture aristocratique,
Cizancourt/Licourt (Somme)
AMÉNAGEMENTS ET ÉQUIPEMENTS ExTÉRIEURS
Dans l’habitation, un foyer aménagé à même le sol avec de la terre et des pierres,
en position centrale, permettait de cuisiner tout en dispensant chaleur et lumière ;
un four culinaire en terre devait aussi être fréquent comme celui découvert à Montmartin (Oise) de 2 m de long et 1,20 m de large ; en revanche, aucune cheminée
n’a à ce jour été mise en évidence. Dans les cas les mieux conservés, des poteaux
de faible profondeur disposés à l’intérieur du bâtiment suggèrent un cloisonnement. La présence ponctuelle de coffres de petite taille en pleine terre interprétés
comme des celliers montre qu’il existait des planchers. Une cave de 7 m² et 1,75 m
de profondeur était aménagée au centre d’un vaste bâtiment aristocratique à Arry
(Somme).
Le statut social des habitants allait vraisemblablement de pair avec la richesse et la
sophistication des finitions et de l’ameublement, que l’on entrevoit à travers de rares
vestiges, comme les pieds de tables tournés de Wederath-Belginum (Allemagne)
et de Saverne (Bas-Rhin) et une poutre sculptée de Bibracte. La chaux ou l’argile
blanche servaient à blanchir les murs et des enduits de couleur à base d’ocre ont
même orné les murs dès le IVe siècle avant notre ère, comme à Plailly (Aisne).
Fabriqués avec des matériaux périssables comme le bois, le cuir ou l’osier, les
meubles sont rarement découverts. Les récipients en céramique, qui se sont
conservés jusqu’à nos jours, témoignent d’une batterie de cuisine qui n’a rien à
envier à celle en usage avant la révolution industrielle. Le vaisselier comprend tous
les ustensiles ménagers nécessaires à la préparation et à la consommation des
repas : pots à cuire, grands plats de services, écuelles, bols, terrines, gobelets,
faisselles, passoires… Le foyer au-dessus duquel pouvait être suspendue une
crémaillère supportant un chaudron est doté de chenets parfois richement décorés.
Le métier à tisser, la meule pour confectionner la farine, les grands vases de stockage font partie des biens courants parfois complétés par des amphores vinaires
importées d’Italie.
Fourchette à chaudron, Bucy-le-Long (Aisne)
37
36
Dans la maison, le foyer est l’élément central autour duquel s’organisent les activités domestiques.
Les ustensiles culinaires en métal, chaudron, crémaillère, landiers, pelle à feu, côtoient une multitude de pièces de vaisselle en céramique et en bois.
38
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Landiers en fer provenant d’une tombe du site de Poulainville (Somme)
Vaisselle en céramique, Poulainville (Somme)
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LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
Installé sur les flancs d’un vallon, le plus vieil établissement
protohistorique connu du Saint-Quentinois (fin VIIe siècle
avant notre ère) est un exemple rare d’un habitat groupé
structuré sur près d’un hectare. Durant deux siècles environ,
il présente une organisation figée (trois phases de reconstructions) suggérant le plan type d’un village-rue. La quarantaine d’édifices (habitation, annexe, grenier surélevé) est
rangée de part et d’autre, et perpendiculairement à un axe
de circulation suivi sur près de 200 m. Malgré des modules
de bâtiments n’excédant pas 20 m², de nombreux éléments
convergent pour attester une population résidente sur le site
(vaisselle, parure, accessoire de toilette, foyers aménagés,
activité métallurgique, consommation carnée…).
40
L’abandon de cet hameau correspond à l’émergence d’un
habitat dispersé sur le plateau, caractérisé par une constellation de petites unités agricoles à l’instar des découvertes
faites sur la ZAC du Parc des Autoroutes de Saint-Quentin (cinq fermes sur 17 ha couvrant une période de cent
cinquante ans) et des sites périphériques tels que Gauchy
et Neuville-Saint-Amand. La structuration de ces établissements, a priori mono-familiaux, est assez standardisée : une
habitation, des bâtiments d’exploitation (remise, étable ?,
grenier surélevé), foyers et diverses fosses d’extraction de
matériaux (fabrication du torchis) concentrés sur une aire
ouverte comprise entre 1500 et 2000 m² ; l’organisation structurelle de ces unités peut être linéaire ou regroupée. Elles
se différencient principalement par le nombre de bâtiments
L’habitat enclos
La généralisation des clôtures (fossé, talus, haie, palissade) à
l’habitat standard constitue le fait notable du début du second
âge du Fer. Peu complexe à mettre en œuvre, le fossé était le
système le plus utilisé dans le Saint-Quentinois à l’exception
de la ferme de Vermand. Fondée à la fin du IVe siècle avant
notre ère, elle a été intégralement délimitée (soit 1,2 ha) par
une palissade à poteaux jointifs, probable marque ostentatoire d’un statut particulier de l’établissement. La délimitation
intégrale de l’espace de vie du paysan n’est cependant pas,
au début, systématique à l’instar des trois fermes de SaintQuentin où seul le flanc du secteur bâti est délimité par un
fossé en arc ou en agrafe dissymétrique. Les enclos entièrement ceints ont des plans ovoïdes à sub-rectangulaires
(entre 0,6 et 1,3 ha) tendant vers l’orthogonalité à partir de la
fin du IIe siècle avant notre ère. On y accède grâce à un ou
deux passages larges marqués par une simple interruption
des fossés, cependant des systèmes plus complexes apparaissent plus tardivement (porche de la ferme d’Urvillers).
La transition entre les deux formes d’habitat (ouvert et
enclos) s’est faite progressivement et, jusqu’au tout début
du IIIe siècle avant notre ère, les deux modèles ont coexisté.
La superposition ou la proximité d’établissements chronologiquement proches pose d’ailleurs la question de la filiation entre les deux modèles ; le maintien de l’organisation du
module de vie/exploitation - linéaire ou regroupé – dans ces
enclos atteste la continuité du modèle antérieur. En revanche,
on assiste à l’intégration des silos au sein des fermes
marquant un début de sectorisation de l’espace interne. Au
milieu du IIIe siècle avant notre ère, ce processus se confirme
avec la partition des enclos par des fossés et la répartition
par fonction notamment des bâtis au sein des espaces cloisonnés. Parallèlement, les paysans commencent à circonscrire une partie de leurs surfaces agraires (champs et prairies) attenant aux fermes en déployant de vastes systèmes
fossoyés. Certaines de ces limites marqueront le paysage
jusqu’au début de la période romaine.
N
Des exploitations agricoles avant tout
Le paysan cultivait plusieurs céréales, des légumineuses et,
dans une moindre mesure, pratiquait la cueillette : noisette,
sureau noir et prunelle. Quelques rares outils attestent des
travaux des champs, mais ce sont surtout les divers moyens
de conservation de ces ressources végétales, et principalement la gamme de silos enterrés, qui témoignent d’une
production sur site et non d’un approvisionnement extérieur.
L’élevage au sein de la ferme, principalement les bovidés,
le porc et le cheval (hippophagie) fournissait l’alimentation
carnée et laitière. Bien que conçues pour une économie de
subsistance, les fermes des Viromandui devaient produire
des surplus en vue d’échanges commerciaux, notamment
pour acquérir des produits indispensables relevant d’artisanats spécialisés tels que la réduction du fer, la saunerie…
Modules de bâtiments (habitation, reserre, grenier...)
*Finage : Le finage correspond aux limites d’un territoire
villageois. Très souvent le finage regroupe plusieurs terroirs
permettant une diversification des ressources.
uille
e fo
ite d
Trous de poteau
Lim
Fosses (stockage, extraction...)
Foyers
Fossé ?
0
25 m
Plan partiel d’un habitat groupé occupé de la fin du VIIe siècle au début du IVe siècle avant
notre ère. L’axe du vallon a guidé l’implantation des premières constructions à poteaux (jaune).
Cette orientation a perduré bien que l’alignement des bâtiments soit devenu plus lâche (vert
clair). Les derniers édifices (vert foncé) marquent la fin des «contraintes» d’aménagement.
LES DE
CAMPAGNES
DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
SOMBRE
Les habitats ouverts : groupé ou dispersé
construits, leurs dimensions et leur type architectural plus ou
moins complexe. Cependant, ces variations sont bien trop
ténues pour tenter une hiérarchisation de ces fermes d’autant
que leurs interactions ne sont pas établies. Une récurrence
de ces fermes, valable également pour l’habitat groupé, est
l’éloignement (entre 50 m et 120 m) des zones de stockage
enterré du noyau principal (ensilage sur les lieux de production, sécurisation du stockage…).
N
N
Greniers
Grenier
Habitation
Foyer
Plan d’une organisation regroupée, ferme occupée vers
425/375 avant notre ère (Gauchy, Aisne)
Habitation
0
25 m
Plan d’une organisation linéaire, ferme occupée vers 325/250
avant notre ère (Saint-Quentin, Parc des Autoroutes)
Modèle d’organisation des unités agricoles caractérisant l’habitat ouvert du second âge du Fer dans le Saint-Quentinois
41
En quinze années d’archéologie préventive, menée sur des
centaines d’hectares, le lent processus d’appropriation de
l’espace foncier destiné à l’habitat et à la production a pu
être décrypté et modélisé dans ses grands axes. Au début du
Ve siècle avant notre ère, de petites fermes peu développées
et non ceintes tissent un maillage très lâche dans le paysage.
Hérité des périodes protohistoriques précédentes, ce modèle
dominant durant le second âge du Fer, appelé habitat dispersé, s’oppose à l’habitat groupé type hameau, plus fréquent
au premier âge du Fer. Au cours des cinq derniers siècles
avant notre ère, ni le mode architectural exclusivement en
bois et terre, ni les composantes de l’habitat ne connaîtront
de changements significatifs. L’évolution notable, fort bien
perçue grâce à des travaux archéologiques effectués sur de
grandes surfaces, est l’individualisation par des fossés, dès
la fin du IVe siècle avant notre ère, des zones dévolues à l’habitat, puis plus largement à l’ensemble du finage* à partir du
milieu du IIIe siècle avant notre ère.
lon
val
de
nd
u fo
ed
Ax
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES DE
CAMPAGNES
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
DES SAISONS
SOMBRE
L’HABITAT DU PAYSAN GAULOIS DANS LE SAINT-QUENTINOIS (AISNE)
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES DE
CAMPAGNES
DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
SAMONIOSGAULOISES
A CUTIOS :AU
LA FIL
SAISON
SOMBRE
DES FORGERONS DANS LES FERMES ?
Fossé
N
Palissade
à poteaux jointifs
Habitations
Entrée nord
Greniers
Fossé
Silos
COUR
Palissade
à claies
A partir du IIIe siècle avant notre ère, les activités de forge
sont devenues très courantes dans les fermes, cependant
seulement quelques unes ont livré des vestiges importants
en relation avec un bâtiment exclusivement dédié à cette
fonction, alors que pour la majorité, les indices existent mais
sont peu abondants. Cela pose question sur le statut des
forgerons : spécialiste, travailleur temporaire, artisan itinérant ? Le site de Ronchères « Le Bois de la Forge » (Aisne),
paraît avoir bénéficié d’un forgeron à demeure car un bâtiment est réservé à cette seule activité. Les vestiges liés à
son travail traduisent la grande qualité de son savoir-faire.
Ses réalisations, qui dépassent les besoins du site, devaient
être en partie destinées à d’autres fermes. L’établissement
dégageait ainsi des richesses non seulement de ses productions agricoles mais aussi d’un commerce d’objets en fer, le
faisant bénéficier d’une certaine opulence.
Annexes
Plan de l’atelier de forge du site de Ronchères (Aisne)
Silos
Phases laténiennes
(IIe-moitié Ier siècle)
Fossé
N
Annexe ?
Entrée sud
Palissade
à poteaux jointifs
Bâtiment
cultuel ?
Greniers
Puits
Fossé
Annexe ?
Foyers
Forge
25 m
Habitation
Palissade
0
Plan interprété de la ferme de Vermand (Aisne) (second état de la clôture) : enceinte, ébauche de sectorisation de
l’espace interne avec une concentration des moyens de stockage sont les principales évolutions du modèle d’habitat.
L’organisation du module principal de vie/exploitation (ici linéaire) est héritée de l’habitat dispersé non ceint.
Habitation ?
0
42
2,5 m
25 m
43
0
METTRE LES ANIMAUx À L’ABRI ET LES NOURRIR
L’hiver, le forgeron pouvait se concentrer sur ses travaux de forge. Les températures
basses et la faible luminosité n’étaient pas un handicap pour lui, au contraire, il avait
besoin d’une lumière faible pour mieux juger de la température du métal en fonction
de sa couleur. La seule contrainte résidait dans le type de foyer employé. Les âtres
de forge gaulois étaient excavés et il était nécessaire de pratiquer une plus longue
chauffe des parois pour en monter la température et en évacuer l’humidité. Des
conduites creusées dans le sol évitaient aussi que cette dernière n’atteigne le foyer.
Lors de cette phase intense de travail, l’artisan préparait les nouveaux outils nécessaires aux activités du reste de l’année. Bien sûr il ne remplaçait pas tous les ans
la panoplie d’objets en fer essentielle à la ferme comme la clouterie et la quincaillerie pour la construction des bâtiments et des clôtures, les ustensiles de la
vie quotidienne comme les chenets, gril à rôtir, fourchette à chaudron, couteaux, les outils aratoires comme les socs d’araires, les
houes, les serpes, les faucilles et les faux. Si l’on considère qu’une ferme de taille moyenne abrite une vingtaine
de paysans actifs on peut évaluer qu’elle avait besoin de
90 à 140 kg de fer pour fonctionner. Au XVIIIe siècle, une exploitation agricole consommait de 2 à 10 kilos de fer par hectare et par
an en usure d’outils aratoires, suivant la nature du sol travaillé. Que ce soit
le soc d’araire dans le sol d’un champ ou la hache dans le bois, le métal est
poli, des écailles sont arrachées, les pointes et les tranchants sont émoussés.
L’une des activités principales du forgeron de l’âge du Fer consistait donc à
réparer ou remplacer le matériel défectueux suite à son utilisation. Le recyclage
des outils usés était une nécessité, un nouveau soc d’araire à partir de deux autres
dont le poids était devenu trop faible pour rester efficaces pouvait ainsi voir le
jour. Le forgeron en fabriquait également de nouveaux à partir d’un métal « neuf »
à un rythme de deux à trois par jour en fonction de la morphologie de l’outil et
de la forme du lingot de fer à partir duquel il le créait. Pour des instruments plus
complexes, comme une lame de faux d’une quarantaine de centimètres, une journée pouvait être nécessaire.
Pendant l’hiver, le forgeron coupe et collecte aussi du bois pour le stocker et le faire
sécher afin qu’il ne produise pas de sève lors de sa réduction en charbon de bois à
la fin de l’été/début de l’automne de l’année suivante. Le séchage pouvait avoir lieu
en extérieur aux vents ou à couvert dans des bâtiments.
Les enclos qui se développent autour des exploitations agricoles ont pu servir à rassembler et à protéger les animaux
du cheptel ; cette fonction est plus évidente pour ceux qui
sont pourvus d’entrée en entonnoir ou de couloir. Par contre
les certitudes font encore défaut pour attribuer aux bâtiments découverts dans ces enclos ou dans le corps même
des fermes, des fonctions comme celles d’une étable,
d’une écurie, d’une bergerie ou d’une porcherie. Il faudrait
pour cela que l’on puisse distinguer les maisons des bâtiments d’élevage, sachant qu’en Europe du Nord, les deux
fonctions peuvent être associées dans la même unité. En
l’absence de logettes, seuls les taux de phosphate, dus
aux déjections d’animaux stationnant longtemps au même
endroit, permettraient de l’attester. Cela nécessite toutefois
de bonnes conditions de préservations rarement rencontrées dans notre région ainsi que des analyses plus systématiques qui commencent seulement à se développer. On a
aussi pu observer que les habitants avaient pour habitude de
jeter leurs détritus au plus près de leurs maisons. Il est donc
permis de supposer que, quand ils sont absents, le bâtiment
occupe une autre fonction (grange, étable…).
D’autre part, il ne faut pas oublier que les animaux de l’âge
du Fer sont très rustiques et qu’il n’est pas impossible qu’ils
aient pu trouver une protection suffisante dans des abris
précaires, voire sous le couvert des haies ou des palissades.
C’est l’un des résultats du programme mené par P. Reynolds
à la ferme expérimentale de Butser en Angleterre dans les
années 1980, où des moutons Soay, répliques vivantes des
moutons de l’âge du Fer passaient l’hiver au grand air, sans
besoin d’abri.
L’alimentation hivernale des animaux a pu être assurée de
diverses manières, en les laissant paître ce qui pouvait rester
de végétation dans la campagne, ou plus probablement en
stockant au préalable du foin ou des feuillages ; seuls les
outils retrouvés et les études de restes végétaux peuvent
nous l’indiquer. La découverte d’un mélange de semences
d’herbacées de prairies, de résidus de traitement de récoltes,
de paille et de grains (orge vêtue, amidonnier, engrain), a
ainsi été identifié comme une préparation alimentaire destinée au bétail.
Les enclos avec des entrées en entonnoir ont pu servir à canaliser le bétail
Site de Bray-les-Mareuil (Somme)
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES TRAvAUx DU FORGERON
Moutons Soay,
Répliques vivantes des moutons élevés par les Gaulois
Faux en fer, Mondeville (Calvados) et Acy-Romance (Ardennes)
Son invention à la période gauloise a permis de constituer des stocks de fourrages pour
nourrir le bétail durant la période hivernale
Marteau en fer
Ribemont-sur-Ancre (Somme)
45
44
Serpe en fer
Dompierre-sur-Authies (Somme)
ABATTRE LES ANIMAUx ET S’EN NOURRIR
Les études d’ossements animaux ont permis d’établir que
l’élevage du porc, du bœuf et des caprinés occupe une place
centrale en Gaule septentrionale mais le cheval et le chien
jouent également un rôle non négligeable (Galerie d’animaux). Les animaux élevés sont petits et graciles, ils fournissent des quantités de viande et de graisse équivalant à
un tiers environ des quantités produites à partir d’animaux de
boucherie actuels. À côté de la consommation des grands
mammifères, le recours aux oiseaux ou aux poissons est
difficile à apprécier en raison de problèmes de conservation posés par ces ossements fragiles et de leur découverte
conditionnée par des fouilles fines et des tamisages.
L’espèce, l’âge et le morceau consommé donnent différentes catégories de viandes, dont le partage et la distribution sont manifestement soumis à des règles économiques
et sociales. Elles se traduisent par de profondes inégalités
dans la composition des rejets domestiques. Les porcelets
et les meilleurs morceaux reviennent aux habitants les plus
aisés tandis que les plus modestes se contentent de caprinés, de chevaux et d’animaux réformés.
Dans l’enceinte de la ferme, on trouve des restes de porc
en abondance. Il s’agit alors d’un animal de petite taille, très
gracile avec un crâne au profil encore assez rectiligne (photo
crane), dont certaines représentations plus tardives donnent
une bonne image (porc XIXe). Cet animal très prolifique devait
trouver une partie de sa nourriture dans les détritus générés par les exploitants agricoles et il est désormais possible
de connaître son régime alimentaire - herbivore, omnivore
voire carnivore - à l’aide du dosage d’isotopes de l’émail des
dents.
Les porcs ont fait l’objet d’un mode de gestion assez standardisé qui consiste à abattre un nombre important de sujets
en fin de croissance, vers un an et demi, soit à l’automne de
leur deuxième année de vie. On abat aussi des sujets plus
jeunes, ou plus âgés, en fonction des lieux et sans doute
des ressources disponibles. Les verrats sont souvent abattus plus jeunes que les truies, cela est sans doute dû à leur
caractère ombrageux, qui ne s’améliore pas avec l’âge. Â
ce propos Strabon, nous rapporte que « leurs porcs vivent
dehors, même la nuit et se distinguent par leur taille, leur force
et leur rapidité. Il est périlleux de les approcher si l’on n’en a
pas l’expérience, et ils sont dangereux même pour les loups. »
(Strabon, Géographie, IV, 4.3)
Une partie de la viande des sujets abattus à l’automne a
pu faire l’objet de salaisons. Divers indices viennent étayer
cette pratique. En plus de la présence d’ossements en grand
nombre, c’est la sélection de certains morceaux qui entraîne
des anomalies d’effectifs entre ossements parfois décelables
entre la base et le haut du comblement d’une fosse dépotoir
comme à Acy-Romance (Ardennes), ou plus souvent sous
forme d’accumulations de certains os, des scapula* par
exemple au Titelberg (Luxembourg).
Les salaisons gauloises étaient très réputées comme le
signale Strabon : « Ils sont si riches en ovins et porcins qu’ils
fournissent à profusion de leurs sayons et de leurs salaisons,
non seulement les marchés de Rome, mais aussi la plupart
de ceux d’Italie » (Strabon, IV, 4, 3).
Animaux consommés par les Gaulois, par ordre de fréquence.
effectif
25
9 mois
20
1,5 an
15
Gravure de porc du XIXe dont la morphologie s’apparente à celle des animaux gaulois.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
2m
Lest de filet de pêche en calcaire, Boves (Somme)
10
Crâne de truie gauloise
5
0
6 mois
1 an
2 ans
3 ans
plus de 4 ans
Distribution des âges d’abattage des porcs à Acy-Romance (Ardennes)
Restes de poissons découverts sur le site d’Acy-Romance (Ardennes)
47
46
*Scapula : La scapula est le nom latin de l’omoplate.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
DES SALAISONS RÉPUTÉES
Le sel a, de tout temps, occupé un rôle prépondérant dans
l’histoire des Hommes. Sa production était, on le sait, une
activité centrale dans l’économie rurale protohistorique, à
une époque où ni congélation, ni transport rapide, ni stérilisation n’étaient connus. Utilisé nature, broyé ou grillé, il soignait
les hommes, mais aussi les animaux et ses propriétés étaient
nombreuses. C’était avant tout un condiment très apprécié et
un excellent agent conservateur pour la viande, le poisson et
le fromage.
Cette technique évolua lentement jusqu’à la création, aux
âges des métaux, sur les façades littorales nord et atlantique, d’ateliers plus ou moins développés, voire de véritables centres de production, dont les capacités pouvaient
atteindre des centaines de kilogrammes à chaque cuisson. Les fours à sel gaulois se présentent sous la forme de
grandes fosses allongées, au centre desquelles sont agencées de lourdes grilles d’argile recouvrant un treillis constitué
de branches de noisetiers entrecroisées. Des moules en terre
cuite étaient disposés sur les barres de la grille donnant leur
forme aux futurs pains de sel, blocs obtenus, soit par évaporation d’eaux saturées en sel (saumures), soit en chauffant
des bouillies de sel. Ces pierres de sel étaient démoulées sur
place ou étaient acheminées sur les sites de consommation
encore enrobées de leur gangues de terre cuite, comme l’attestent les très nombreux fragments de moules à sel recensés sur les sites d’habitat de la fin de la période gauloise, sur
l’oppidum de Villeneuve-Saint-Germain (Aisne), par exemple.
En France, à Gouhenans (Haute-Saône), les témoignages les
plus anciens liés à la production de sel se placent dans des
contextes datés du Ve millénaire avant notre ère. Le procédé
consistait alors à verser des saumures (eaux saturées en sel)
directement sur des foyers afin d’en extraire du sel cristallisé, mais également des cendres salées. On peut rapprocher cette technique des observations de Pline l’Ancien qui
s’étonnait des pratiques des Celtes qui jetaient de l’eau salée
sur des feux de bois et qui « récoltaient » une cendre qui
offrait les mêmes propriétés que le sel. (Pline HN, XXXI).
Reconstitution de la grille d’un four à sel découvert à Arras
Atelier à sel de Gouy-Saint-André (Nord-Pas-de-Calais), où l’intensité de l’activité transparaît par l’enchevêtrement des fours.
Reconstitution à Samara du four à sel de Pont-Rémy (Somme)
49
48
Pelle en bois, Sorrus (Pas-de-Calais)
Quelle pouvait être l’importance de ces productions dans
l’économie locale ? La découverte de lieux de production implantés très loin dans l’arrière-pays, jusqu’à plus
de 100 km du littoral actuel, comme Arras (Pas-de-Calais)
ou Campagne (Oise), pose des questions sur la matière
première utilisée, sur le statut de ces ateliers et sur leur véritable spécialisation. Bien loin du caractère « hyperspécialisé »
des sites de production mosellans et bretons, les ateliers du
Belgium et de ses marges immédiates, se présentent comme
des unités assez modestes, mais parfaitement intégrées au
cœur des habitats, dont les fourneaux figurent pourtant parmi
les plus grands de France. Faut-il toutefois parler de sites
« spécialisés » ou doit-on penser que cette activité s’inscrivait
au même rang que d’autres tâches autarciques plus conventionnelles. Qui étaient ces sauniers gaulois ? De simples
ouvriers ou des artisans spécialisés ? Le contrôle du sel a dû
garantir aux propriétaires ou aux commanditaires une source
importante de revenus et vraisemblablement un pouvoir dont
on ne mesure pas encore aujourd’hui toute l’étendue.
A la fin de la saison claire ou au tout début de la saison
sombre, les travaux agricoles auxquels se livraient les Gaulois
restaient très intensifs. C’était le temps de la préparation de la
terre en vue des semailles d’automne. Les grands animaux,
bovins et équidés, sont susceptibles d’être utilisés aux travaux
et aux transports. À côté du cheval, seul présent jusqu’à l’âge
du Fer, on commence à trouver des restes d’hybrides, sans
doute des mulets, à la fin de cette période comme à La Tène
(Suisse), ou au Titelberg (Luxembourg), mais aussi d’ânes,
en 100 avant notre ère au Mormont, (Suisse) ce qui laisse
planer un doute sur la détermination spécifique des équidés
retrouvés dans les fermes, souvent sous forme de fragments
en nombre assez limité.
L’usage de ces animaux impose des conditions d’âge,
parfois de sexe, et provoque des déformations osseuses,
voire des atteintes pathologiques. Pour les âges, la condition est de disposer d’animaux adultes, de plus de quatre
ans. Le sexe est moins déterminant, des vaches pouvant être
attelées. Toutefois, la stature réduite (moins de 1,10 m) et la
gracilité des vaches de l’âge du Fer leur faisaient sans doute
préférer les bœufs qui, castrés, acquéraient un volume et une
docilité accrus vis-à-vis des taureaux. Les critères de gestion
50
Couvercle en bois, Sorrus, (Pas-de-Calais)
que sont les distributions d’âges d’abattage et les fréquences
de vaches, de bœufs et de taureaux permettent de mettre
en évidence les principales orientations de l’élevage et, par
exemple, de distinguer des exploitations où le travail occupe
une place plus importante que la production laitière.
Les indices les plus probants de l’usage des animaux, car les
plus directement liés à la fonction même, sont les déformations induites sur le squelette par les harnais ou les efforts.
C’est ainsi que l’on peut observer une déformation des
chevilles osseuses: l’éminence du frontal qui porte la corne,
due au port du joug ou une usure des premières prémolaires de certains chevaux à cause des mors. Du côté des
membres, on observe assez fréquemment un élargissement
au niveau des doigts en réponse à des surcharges répétées.
Parfois ces réactions dégénèrent en foisonnement osseux
(exostose) d’ordre pathologique. Par contre des atteintes
pathologiques, sous forme de soudures de vertèbres, que
l’on constate sur les rachis de chevaux durant les périodes
antiques ou médiévales, ne sont pas observées à l’âge du
Fer, ce qui laisse entrevoir une forte modification de l’usage
de ces animaux au moment de la Conquête (animaux utilisés
plus jeunes, nouveaux usages ?).
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
ATTELER LES ANIMAUx POUR TRAvAILLER LA TERRE
Mors de cheval, Ronchères (Aisne)
51
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
UN SAvOIR-FAIRE DE SPÉCIALISTE ?
Pour les travaux des champs, les animaux de trait étaient le
plus souvent attelés par paire et tractaient un araire. L’instrument était guidé par son mancheron que le laboureur tenait
entre ses mains afin de tracer des sillons droits et régler l’enfoncement du soc dans le sol. La partie active de l’outil, le
sep, pouvait être utilisé sans soc en fer, sa pointe était alors
rapidement émoussée et il devait être souvent remplacé.
Pour pallier à cet inconvénient et pour gagner en efficacité,
il était le plus souvent chaussé d’un renfort constitué d’une
plaque métallique aux bords rabattus pour former une douille.
Selon les zones géographiques, la nature des sols (lourds ou
légers), ou encore le temps (sec ou pluvieux), l’araire pouvait
être équipé de socs de morphologies différentes. En plus
de simples cônes de fer, il en existait de forme triangulaire à
« ailes » plus larges que le sep, dont les bords plus au moins
refermés, formaient des sortes de pinces. Ils s’enchâssaient
à l’extrémité du sep et pouvaient y être solidement fixés avec
un clou. Ils autorisaient le labour des sols lourds et en les
penchant légèrement, ils favorisaient le retournement d’une
partie de la terre. Parfois, les araires en bois étaient dotés
d’une reille en fer. Le travail obtenu avec un araire n’était toutefois pas équivalent à celui de la charrue dont l’invention est
plus tardive. En passant l’araire, le laboureur gaulois scarifiait
la terre superficiellement et il devait répéter plusieurs fois son
travail en croisant les labours dans un sens puis dans l’autre
pour obtenir un résultat satisfaisant. Ce faisant, il éradiquait
bon nombre des mauvaises herbes, les adventices*et aérait
le sol. Dans nos régions, les sous-solages des années 1970
ont oblitéré les traces de cette pratique, alors que dans le
sud de la Scandinavie ou encore en Allemagne, des champs
fossiles, d’une surface de 1000 à 4000m², dessinant des
parcelles carrées ou rectangulaires, en témoignent encore.
A ce travail préparatoire en succédait un autre davantage
gourmand en main d’œuvre : les mottes de terre soulevées
par l’araire devaient être brisées. Pour les émietter, la houe
pouvait être utilisée, bien que seuls quelques exemplaires
nous soient parvenus, les agriculteurs gaulois en étaient
dotés. Très proche de l’outil actuel, un manche droit pénètre
dans un œil ménagé au sommet de la lame pour le recevoir.
Tenu à deux mains et lancé pour percuter la terre, son usage
permet de briser les mottes. La houe a aussi pu être utilisée lors de défrichage ou de nettoyage de parcelles car jetée
avec force, elle permet de soulever la couverture herbeuse
et de sectionner les racines. Pour des questions de rentabilité il est permis de supposer que l’usage de cet instrument
était plutôt réservé à de petites surfaces, comme les jardins.
Le plus souvent, de simples bâtons de bois, ou des cassesmottes ont dû être utilisés pour écraser les blocs de terre.
Les passages d’une herse peaufinaient l’émiettement et
égalisaient les surfaces. Cette activité, pas plus que l’outil qui
peut être entièrement fabriqué en bois, ne laissent de traces.
Les herses permettent le recouvrement des semences mais
l’araire, plurifonctionnel, convient aussi très bien à cette
opération. Les exemples ethnologiques montrent que cet
outil est utilisé à la fois pour tracer les sillons et recouvrir les
graines lorsqu’elles ont été semées à la volée.
Métapodes de bœuf : normal à gauche,
extrémité déformée par le travail à droite.
0
10 cm
Araire en chêne, Chevrières (Oise)
Brise-motte, Chevrières (Oise)
Les dépôts volontaires de socs d’araire, comme ces deux socs
emboîtés l’un dans l’autre, s’apparentent à des offrandes.
Villeneuve d’Ascq, les Hautes Bornes (Nord)
*Adventice : plantes sauvages « mauvaises herbes
» qui accompagnent des
espèces cultivées dans
leur croissance, sans pour
autant avoir été semées.
Par extension, espèce
indésirable qui envahit les
champs cultivés.
Villeneuve-Saint-Germain (Aisne)
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
UN ÉQUIPEMENT PERFORMANT
Acy-Romance (Ardennes)
Ribemont-sur-Ancre (Somme)
Pièce métallique en fer (reille), fixée sur l’araire et qui permettait de tracer des sillons. Croixrault (Somme)
53
52
La forme des socs d’araire est adaptée selon la nature des sols.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE SAMONIOS A CUTIOS : LA SAISON SOMBRE
LES SEMIS D’AUTOMNE
Les agriculteurs de l’époque gauloise cultivent une grande
diversité d’espèces de céréales (orges, blés, avoines), de
légumineuses (pois, féverole, ers), de plantes à semences
oléagineuses, qui fournissent de l’huile (caméline, lin) et
de plantes tinctoriales (guède ou pastel des teinturiers). Le
calendrier d’exploitation de ces espèces donne une idée
des tâches agricoles, car le climat n’est pas sensiblement
différent du nôtre et on peut penser que les dates de semis
et de récoltes des principales plantes cultivées étaient relativement les mêmes qu’à l’époque actuelle. Globalement,
les semis d’automne s’effectuent en octobre-novembre. Les
graines gagnent à subir une vernalisation (une période de
froid) qui va favoriser leur germination. Les semis d’automne
sont souvent plus productifs car les plantules ont le temps de
bien s’enraciner, la végétation démarre plus vite au printemps
et les plants tallent davantage c’est-à-dire qu’ils produisent
plus de tiges porteuses d’épis. Toutefois, cette pratique peut
parfois s’avérer risquée comme nous le relate Pline à propos
des Trévires qui durent réensemencer leurs champs au mois
de mars car un hiver rigoureux avait anéanti leurs blés. L’histoire se termine heureusement car ils obtinrent d’abondantes
moissons (Pline, HN, XVIII,3).
Des semences de « mauvaises herbes » qui poussent dans
les champs sans y avoir été volontairement introduites, sont
retrouvées en proportion non négligeable dans des stocks
de grains imparfaitement nettoyés, entreposés dans les
greniers.
En théorie, leurs caractéristiques écologiques doivent refléter
les conditions de croissance des espèces domestiques et
Janv.
Fév.
Mars
Avril
Mai
Juin
Juil.
Août
Sept.
indiquer directement les saisons de semis de ces denrées. Si
la mise en culture s’effectue à l’automne, après une succession de labours à l’araire, les adventices des cultures à
germination automnale sont favorisées. Il s’agit de plantes
qui fleurissent tôt (de janvier à avril) et souvent durant une
courte période (trois mois). Elles croissent en même temps
que les céréales d’hiver, à condition que des désherbages
et sarclages ne soient pas pratiqués, auquel cas elles sont
éliminées. En revanche, si les semis s’effectuent au printemps, ces plantes à germination automnale, qui auront déjà
eu le temps de s’installer, vont être détruites par les labours
de printemps qui précèdent les semis de mars-avril. Ce sont
donc des mauvaises herbes à floraison plus tardive (mai à
décembre) ou à floraison longue (supérieure à cinq mois) qui
domineront au sein des groupements floristiques.
Les stocks de grains découverts en contexte archéologique sont déjà partiellement nettoyés et les semences de
mauvaises herbes qui subsistent sont de gros calibre, le
nettoyage des récoltes utilisant quelques principes très
simples. Lors du vannage, les enveloppes des graines
(balles), sont éliminées car plus légères que les grains,
mais les semences d’adventices les plus lourdes subsistent
en mélange avec la denrée cultivée. L’opération suivante,
le criblage, permet le tri des graines selon leur calibre. Les
semences d’adventices les plus grosses échappent donc à
ce filtre. Les semences de mauvaises herbes liées aux semis
d’hiver vont prédominer car elles possèdent de grandes et
grosses semences qui ressemblent à celles des céréales.
Oct.
Nov.
1
2
Déc.
Orges
Amidonnier
3
Epeautre
4
Blés nus
Millets
1 : Les résidus de traitement des grains contiennent une forte proportion d’enveloppes et de graines de mauvaises
herbes, commensales des cultures. Au contact d’une source de chaleur, ces résidus peuvent être carbonisés et ne
sont plus dégradables. Ils nous parviennent sous cette forme et constitue un témoin direct des flores associées aux
champs cultivés et par extension, des pratiques agricoles.
Avoines
2 : Capsule de nielle des blés carbonisée, découverte dans un stock de grains de froment.
Légumineuses :
pois, féverole, ers
Caméline
3 : Fleurs de mouron rouge, espèce très fréquente dans les champs semés à l’automne.
Lin
4 : Champ de blé engrain envahi par la nielle des blés (Agrostemma githago L.) et le bleuet (Centaurea cyanus L.).
54
Semis
Récoltes
Calendrier des semis et récoltes des principales espèces
domestiques cultivées dans les champs du second âge du
Fer, Ve-Ier siècles avant notre ère.
55
Guède
Les espèces sauvages des champs se regroupent en fonction de leurs périodes de floraison : en haut à gauche, les
plantes à floraison précoce (étoiles rouges) associées
aux semis d’automne, en bas à droite les plantes à floraison tardive, associées aux semis de printemps. Bien sûr, la
situation n’est pas complètement tranchée et des chevauchements subsistent. Néanmoins, les sites des VIe et Ve
siècles avant notre ère (rond blanc) sont associés à l’ellipse
verte, qui délimite la zone correspondant aux semis printaniers. Cette situation concorde avec ce que l’on connaît des
cultures pour ces périodes, et le rôle important des millets et
des légumineuses qui se sèment au printemps afin d’éviter
des pertes trop importantes dues aux gelées.
Les sites du IVe siècle avant notre ère (carrés blancs) sont
encore adjoints aux floraisons tardives, malgré la mise en
place de cultures plus extensives désormais basées sur
le blé amidonnier et l’orge vêtue. Cela signifie-t-il que ces
céréales soient conduites en cultures de printemps, comme
c’est le cas pour les périodes plus anciennes ?
Si les semis de printemps prédominent encore, ils cohabitent
également avec des semis d’automne, mis en évidence par
l’association des sites du IIe siècle avant notre ère (triangles
blancs) avec l’ellipse orange (floraisons précoces) et les étoile
jaune (floraisons intermédiaires). C’est à partir du IIe siècle
avant notre ère que se mettent en place des cultures extensives spécialisées, axées vers des céréales très productives
qui vont être conduites progressivement en cultures d’hiver
afin d’en améliorer encore la rentabilité.
Ainsi, les sites du Ier siècle avant notre ère (losanges blancs)
se détachent du lot et privilégient les semis d’automne, révélés par la prévalence des plantes à floraison précoce et intermédiaire. Toutefois, pour cette période, subsistent des semis
de printemps. Le Ier siècle avant notre ère voit le développement de cultures axées spécifiquement vers la production
de froment, en réponse aux demandes des villes pour un
blé panifiable facile à nettoyer. Un commerce des céréales
également orienté vers ce blé alimente ce même circuit. Le
choix des semis d’hiver relève de cette volonté d’accroître
des productions destinées à un commerce des céréales.
Carte des productions agricoles pour le IVe siècle avant notre ère.
Analyse factorielle des correspondances réalisées sur 66 sites datés des VIe au Ier siècle avant
notre ère et 102 espèces de « mauvaises herbes ». L’axe 1 sépare nettement les espèces
à floraison précoce, qui se regroupent dans la partie négative, des autres composantes et
l’axe 2 dissocie les espèces à floraison tardive, qui se trouvent majoritairement dans la partie
négative, des autres adventices. La distribution des espèces à floraison intermédiaire est peu
déterminante.
0,016
Sites du VI-Ves.
Sites du IVe-IIIes.
Sites du IIes.
Sites Iers.
SEMIS AUTOMNE
0,012
Carte des productions agricoles pour le IIIe siècle et le début du IIe siècle avant notre ère.
Floraison précoce de janvier à avril
Floraison intermédiaire en mai et juin
Floraison tardive de juillet à décembre
0,008
0,004
0
-0,004
SEMIS PRINTEMPS
-0,008
Un changement s’amorce au IIIe et se poursuit au IIe siècle.
La culture des blés est désormais mise en avant.
Carte des productions pour la période du Ve siècle avant notre ère dans le Nord de la France.
DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONSLES
DECAMPAGNES
GIAMONIOS GAULOISES
A CANTLOS AU
: LAFIL
SAISON
CLAIRE
Une démarche alternative a été développée par des écologues et archéobotanistes d’un laboratoire spécialisé de Sheffield, au Royaume Uni. Cette démarche relève de l’écologie
fonctionnelle ; elle consiste à travailler sur l’ensemble des
espèces sauvages attestées, en mesurant certains caractères qui ont un impact direct sur leurs capacités d’adaptation à des terrains et des pratiques culturales données. Nous
avons appliqué cette démarche aux cortèges de plantes
compagnes des cultures pour la durée du second âge du
Fer, dans le Nord de la France. Trois classes ont été définies
: les plantes à floraison précoce (janvier-avril), celles à floraison tardive (juillet-décembre) et une catégorie intermédiaire
(juin-juillet). Soixante-six sites datés du VIe au Ier siècles avant
notre ère et cent deux espèces de « mauvaises herbes » s’y
référant ont fait l’objet d’un traitement statistique. Les sites de
moins de cinquante restes et moins de trois espèces d’adventices ont été éliminés.
Axis 2
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONSLES
DECAMPAGNES
GIAMONIOS GAULOISES
A CANTLOS AU
: LAFIL
SAISON
DES SAISONS
CLAIRE
NOUvELLE MÉTHODE EN CARPOLOGIE
-0,01
-0,0075
-0,005
-0,0025
0
A xis 1
0,0025
0,005
0,0075
57
56
Carte des productions agricoles pour le Ier siècle avant notre ère.
DE GIAMONIOS À CANTLOS
LA SAISON CLAIRE
SEMER AU PRINTEMPS
A l’orée du printemps, les terres à proximité de la ferme
devaient être amendées avec le fumier produit lors de la
stabulation des animaux et les déchets générés par les
hommes. Une nouvelle méthode permet aujourd’hui de
déceler cette manière d’enrichir la terre pour en conserver
la fertilité. Elle est basée sur une distorsion du rapport entre
deux isotopes de l’azote, le N14 et le N15, contenus dans le
fumier. Le N14 plus volatile a tendance à s’éliminer. Un apport
en fumier accroit donc artificiellement le sol en N15. Cette
différence est conservée dans les plantes et dans les ossements des animaux qui les consomment. Des graines ou des
ossements qui présentent des valeurs en N15 importantes et
supérieures à la moyenne des sols ont donc bénéficié d’une
fumure.
Le pacage des champs et des pâtures après récoltes permet
aussi un apport naturel d’engrais. Par les textes des auteurs
romains, on apprend que les Eduens (Saône-et-Loire et
Nièvre) et les Pictons (Vendée) pratiquaient le chaulage
tandis que les Belges, Varron et Pline l’ont souligné, utilisaient
la marne (Pline, HN, XVII,42 et 47 et Varron, Économie Rurale,
I,7,8). L’épandage de matériaux qui ne sont pas localement
présents dans le sol peut être détecté grâce aux analyses de
la constitution microscopique du sédiment.
Ces deux opérations impliquent le recours à une nombreuse
main d’œuvre et des moyens de transport conséquents pour
lesquels les animaux sont également sollicités. La réalisation de chaux consomme beaucoup de combustible et il est
nécessaire d’en épandre entre 400 et 700 kg par hectare
chaque année ; il n’est donc peu probable que cette forme
d’amendement des sols pour en corriger l’acidité ait été pratiquée à grande échelle.
C’est aussi à cette période que les cultures dans les champs
et les jardins vont monopoliser une grande partie du temps
de travail. L’araire et les bêtes de somme sont à nouveau
mis à contribution. Il s’agit cette fois de préparer les parcelles
qui vont accueillir les semis de printemps. Certaines espèces
sont semées obligatoirement en mars-avril car elles craignent
le gel : c’est le cas des légumineuses, des millets, de la
plupart des variétés d’avoine, de certains types d’orge ou
d’amidonnier.
Les cultures qui réclament le plus de soin, comme les pois,
les féveroles et les lentilles devaient être disposées non loin
des habitations, dans de petites parcelles qui avaient plus
l’allure de jardins. Après la levée, leur entretien pouvait être
réalisé par sarclage ou par arrachage manuels.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
FERTILISER LA TERRE
Bêche ferrée, La Courbe (Orne)
Cet outil réservé à de petites surfaces apparaît tardivement.
61
60
Labour à l’araire
Pesons en terre cuite, Arras (Pas-de-Calais)
Poulainville
Paire de forces en fer, Poulainville et Ribemont-sur-Ancre (Somme)
Outil indispensable pour prélever la laine qui sera utilisée pour
confectionner les vêtements
62
La fusaïole en céramique imprime un mouvement rotatif régulier
au fuseau qui permet de filer la laine
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
En mai, après les derniers frimas, parmi les productions
animales des fermes gauloises de nos régions, la laine occupait sans doute une place de première importance. L’abondance des restes de moutons dans certaines d’entre elles,
la fréquence des découvertes d’ustensiles liés à la tonte le
montrent à l’évidence. Les moutons sont tondus à l’aide
de forces, outils dotés de deux lames qui se chevauchent
réunies par un ressort et qui cisaillent la laine. Selon leur taille,
elles peuvent avoir plusieurs usages, comme la coupe du
cuir ou des tissus. Les toisons prélevées devaient ensuite
être nettoyées avant la confection de feutre dont la qualité
est alors reconnue jusqu’en Italie, ou encore filé avant d’être
tissé comme nous l’indiquent les découvertes de fusaïoles et
de poids de métier à tisser. En dehors de ces indices, c’est
sur les restes de tissus conservés dans des circonstances
particulières, comme une imprégnation par des oxydes
métalliques ou un enfouissement dans du sel, que l’on peut
étudier la qualité des toisons et les traitements, tissage et
coloration, mis en œuvre. Une autre piste en cours d’exploration est celle de l’ADN des moutons, qui permet de suivre le
développement des diverses races et de retracer l’histoire de
l’exploitation de la laine.
Outre le travail de la laine, celui du cuir occupe également
une place importante. L’écorce de chêne broyée appelée
« tan » a été employée pour tanner les peaux ; on en fait
une décoction aqueuse dans laquelle les peaux sont mises
à tremper. Le tannin diffusant tout d’abord dans l’eau, est
ensuite absorbé par la peau qui se transforme alors en cuir.
Restitution de métier à tisser vertical à quatre barres de lisse et pesons
Le choix des couleurs des fils de chaine et des fils de trame, avec l’action combinée des barres, permettaient d’obtenir des motifs variés (sergé, chevrons et losanges).
L’ajout de tablettes de chaque côté du métier ajoutait des lisières renforcées, aux motifs encore plus complexe.
63
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LA TONTE DES MOUTONS
LE TEMPS DES NAISSANCES
Les fermiers gaulois étaient aussi très attentifs à la pérennité
du cheptel reposant sur la reproduction. Cela nécessite un
nombre minimum de mâles par femelles, différent selon les
espèces, en fonction d’un compromis entre un effectif suffisant, pour qu’ils remplissent correctement leur mission, mais
pas trop important, les mâles présentant souvent des inconvénients, de comportement notamment, qui justifient qu’on
en limite le nombre. En dehors de la pérennité du troupeau,
la reproduction permet de dégager des surplus qui vont
permettre l’accroissement du cheptel, des échanges ou l’exploitation des produits animaux vivants ou morts.
Dépôt de restes de consommation avec de nombreux agneaux, Vermand (Aisne)
Couteaux en fer, Saint-Laurent-Blangy « Les fontaines » (Pas-de-Calais)
La production de lait des races rustiques est naturellement limitée par le sevrage des jeunes. Plusieurs méthodes
permettent de mettre à profit cette production en pratiquant un
sevrage précoce, par substitut alimentaire ou élimination des
jeunes, et en prolongeant artificiellement la période de lactation, ce qui a fini par conduire à nos vaches laitières. Dans le
cas des moutons et des chèvres, l’élimination des jeunes est
un procédé qui a cours à l’âge du Fer ; cela est moins évident
pour les bovins. Cette élimination est parfois assez marquée
pour se répercuter sur les distributions d’âges d’abattage et
donner des dépôts de restes d’agneaux âgés de quelques
mois, comme ceux du sanctuaire de Gournay-sur-Aronde
(Oise), ou de la ferme de Vermand (Aisne). Cette production laitière peut justifier la mise en œuvre de procédés de
conservation, au premier rang desquels les fromages, dont
la réputation dépasse déjà les frontières : « À Rome, où l’on
juge les productions de tous les pays, on préfère, entre les
fromages qui proviennent des provinces, celui de Nîmes, de
Lesure et du pays des Gabali (Gévaudan) ; mais leur qualité
est de courte durée, et ils ne sont bons qu’étant frais. … Tels
qu’on les confectionne à Rome, ils sont préférables à tous les
autres : car la saveur de celui des Gaules reçoit sa force des
ingrédients. » (Pline, IX, 240)
Parmi les découvertes permettant d’évoquer de telles préparations, on trouve des ustensiles, comme des pots (dont
des traces de lait peuvent être retrouvées par des analyses
chimiques) ou des faisselles, sans oublier que le sel joue,
une nouvelle fois, un rôle important.
LA QUESTION DES ÉPIZOOTIES
Parmi les aléas de l’élevage, les maladies occupent de tout
temps une place prépondérante. La mortalité engendrée
peut donner lieu à des inhumations ou, plus récemment, à
des incinérations d’animaux. Or, l’enfouissement de cadavre
est bien attesté durant les temps historiques par les textes
et des découvertes archéologiques. Si les motivations de
tels dépôts sont parfois établies avec une relative certitude,
force est de constater qu’on en connaît guère à l’âge du
Fer. En effet, les (relativement) rares inhumations d’animaux
semblent répondre à d’autres préoccupations que celles
d’ordre sanitaire qui prévalent à partir du Moyen Âge. C’est
sans doute que les cadavres d’animaux ont été abandonnés aux charognards, mammifères ou oiseaux, qui devaient
pulluler, et assurer un niveau sanitaire assez satisfaisant dans
des contextes encore assez éloignés de nos élevages industriels. Quoi qu’il en soit, il nous est pour l’instant impossible
de juger de l’impact des épizooties sur les élevages gaulois.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
L’ExPLOITATION DU LAIT, ABATTAGE
DES AGNEAUx, AUTRES INDICES
65
64
Inhumation de cheval, Pontpoint (Oise)
C’est aux alentours des calendes de juin (1er juin) que l’activité s’intensifie véritablement. Le temps est venu d’engranger le fourrage pour alimenter le bétail durant l’hiver. Pour
répondre spécifiquement à ce besoin, les Gaulois ont inventé
la faux au IIIe siècle avant notre ère. C’est une grande lame
d’acier un peu courbée et emmanchée. L’arête qui est la
partie opposée au tranchant sert à la fortifier sur toute sa
longueur, tandis que le couart qui est la partie la plus large
de la faux sert à la monter sur son manche par le moyen d’un
talon. La fabrication de cet outil requiert la dextérité d’un artisan spécialisé tout comme son usage exige un savoir-faire.
Au fur et à mesure de la fenaison, le faucheur entretient son
outil en l’affutant régulièrement afin de supprimer les petits
éclats sur le tranchant de la lame et plus occasionnellement
il bat la lame avec un marteau sur une enclumette pour en
affiner le tranchant et réparer les micro fissures. Ce n’est
qu’au XVIIe siècle que la faux a été utilisée pour la coupe des
céréales car son utilisation en percussion lancée les égrène
et éparpille le grain sur le sol. Les andins* issus de la fauche
sont rassemblés et régulièrement manipulés pour optimiser leur séchage avant d’être acheminés dans les granges.
Durant cette période coexistent des prairies naturelles dont
la flore variée se reproduit elle-même et des prairies artificielles où la flore limitée à quelques espèces excellentes
pour la nourriture du bétail a été semée. Un assemblage de
graines, luzerne hérissée, trèfles, légumineuses, bromes, a
ainsi révélé la composition d’un fourrage découvert sur
le site de Mont Joui (Florensac, Hérault) daté du VIe
siècle avant notre ère.
La fragmentation et le morcellement des milieux
forestiers dus à la pression anthropique* favorisent
l’exploitation des boqueteaux, des lisières et des
haies. Il est probable que ces lieux soient une
des principales sources en bois de feu,
mais aussi de bois de petit calibre
destiné à d’autres usages. Pour
nourrir le bétail, les branches,
particulièrement quand
elles sont
encore en bourgeons,
sont
aussi
émondées à l’aide d’outils
pourvus d’une
lame tranchante recourbée à son
extrémité et montée sur un
manche.
En fin de printemps et en été,
la cicatrisation de l’arbre est plus rapide.
En plus
de l’entretien des haies, ces fourrages
arbustifs constituent un bon complément
alimentaire quand le bétail est en stabulation durant l’hiver.
LES MOISSONS
Faucille, Fleury-sur-Orne (Calvados)
Au fauchage des prairies succède en Juillet-Août un labeur
non moins harassant qui monopolise une main d’œuvre
abondante : la moisson. La maturité des orges précède
toujours un peu celle des blés et les millets se récoltent un
peu plus tard.
Les faucilles gauloises, une lame d’acier courbée dont la
base peut être à douille ou pourvue d’une soie qui s’enfonce
dans le manche adoptent des formes, des longueurs et des
largeurs variées. La lame peut décrire un quasi demi-cercle,
s’élargir à ses deux extrémités, être perpendiculaire au
manche ou faire un petit angle avec lui. Les fils du tranchant
des outils de coupe étaient soigneusement affutés avec des
pierres à aiguiser en grès très fin dont la qualité est vantée par
Pline : « On en a trouvé en Italie qui à l’eau affilent parfaitement
le tranchant. Les contrées d’au delà des Alpes en fournissent
aussi : on les nomme passernices.» (Pline, H.N, XXXVI, 165).
Tout au long de la période estivale, la majeure partie des
outils en fer était soumise à de dures contraintes. Le forgeron
devait donc les remettre en état : redresser les lames, les
affuter, reforger un outil fracturé… Une partie de ces gestes
pouvait être réalisée directement dans les espaces agropastoraux grâce à un petit outillage portatif. D’autres travaux
plus élaborés nécessitaient davantage de temps et un travail
à chaud en forge.
Les céréales rassemblées par poignées étaient coupées
avec une longueur plus ou moins grande de tige selon
l’usage ultérieur de la paille (chaume pour les toitures, pâturée par les animaux). Si la faucille joue un rôle important dans
les moisons, elle n’était certainement pas le seul outil utilisé.
Des cueillettes à la main permettaient une sélection des épis
les plus mûrs et fractionnaient le temps de moisson tout en
offrant un meilleur étalement du traitement que les céréales
devaient encore subir après leur prélèvement (battage,
vannage). Divers instruments comme des couteaux, des
peignes ou des baguettes à moissonner, ont certainement
aussi été usités ; un passage de Pline en atteste ; « Dans les
Gaules, on cueille les épis de millet et de panis un à un, avec
une sorte de peigne qu’on tient à la main » (Pline, HN, XVIII,
34, 286).
On attribue aux Gaulois l’invention d’un outil performant
pour moissonner à grande échelle et rapidement, le vallus,
ou moissonneuse. L’instrument est décrit par Pline et Palladius : « Dans les latifundia des Gaules, d’énormes caissons
garnis de dents sont poussés sur deux roues à travers les
moissons par un bœuf attelé en sens contraire ; les épis arrachés tombent dans le caisson » (Pline, HN, XVIII, 30/72, 296).
Palladius en donne une description beaucoup plus détaillée.
« La partie des Gaules qui est assez en plaine recourt pour
moissonner à la méthode expéditive que voici et qui, tout en
épargnant la main-d’œuvre, dépouille l’étendue de toute une
moisson à l’aide d’un seul bœuf. Ainsi, on construit un véhicule qui est porté par deux petites roues. La surface carrée
de celui-ci est munie de planches dont l’inclinaison vers l’extérieur donne plus de largeur à la partie supérieure. Sur le
devant de ce chariot, la hauteur des planches est moindre.
A cet endroit, des dents nombreuses et écartées sont disposées en ligne à la hauteur des épis et elles sont recourbées
vers leur partie supérieure. A l’arrière de ce même véhicule,
sont adaptées deux flèches très courtes, semblables aux
brancards des litières. On y attelle à un joug et avec des courroies un bœuf dont la tête est tournée du côté du véhicule : il
faut assurément un animal paisible pour qu’il ne dépasse pas
l’allure de celui qui le pousse. Quand le bœuf se met à pousser le véhicule à travers les moissons, tous les épis, saisis par
les dents, s’entassent dans le chariot, la paille étant arrachée
et restant en arrière, tandis que le bouvier, derrière l’attelage,
élève ou abaisse parfois la machine. Et ainsi, moyennant un
petit nombre d’allées et venues, en l’espace de quelques
heures, toute la moisson est achevée. Cette méthode est utile
pour les endroits en plaine ou unis et ceux où l’on ne tient pas
la paille pour nécessaire ». Palladius, Opus agriculturae, VII, 2,
2-4 ; traduction de M. Renard.
La machine est aussi connue par les bas-reliefs datés des Ier
et IIe siècles de notre ère de la Porte de Mars à Reims, d’Arlon et de Buzenol en Belgique, de Trèves et de Coblence en
Allemagne. Ces écrits, datés pour l’un du Ier siècle de notre
ère et pour l’autre du IVe évoquent un outil en usage dans un
espace géographique et non pas une invention propre aux
Gaulois. Ils sont, tout comme la statuaire, postérieurs à la
période traitée ici ; il est donc impossible d’affirmer que la
moissonneuse était en usage à l’époque que nous traitons,
d’autant qu’aucun vestige archéologique n’en témoigne.
LE TRAITEMENT DES RÉCOLTES
Les moissons semblent être la plupart du temps battues en
plein champs, car les résidus de nettoyage sont rarement
découverts dans les ensembles de grains. Plusieurs types
de céréales de l’époque gauloise, notamment l’orge, mais
aussi les blés amidonnier et épeautre, possèdent des enveloppes coriaces difficiles à éliminer et leur épi se brise facilement lors du battage ; elles sont dites « à grains vêtus ».
Ces céréales exigent plusieurs traitements et leur décorticage est très long. Ce travail est dès lors fractionné. Les épis
battus une première fois se disloquent en « épillets ». A ce
stade, le grain est encore enfermé dans la balle et les enveloppes devront être ultérieurement froissées et éliminées par
vannage et criblage. Les épillets sont entreposés tels quels
dans les structures de stockage. Les semis pourront s’effectuer sous cette forme. Sinon, pour les besoins alimentaires, le
grain sera nettoyé au fur et à mesure de son utilisation.
D’après Pline, le tamis en crin de cheval est en usage en
Gaule et même si les découvertes archéologiques n’en
mentionnent pas, les assemblages de graines attestent que
des tris ont été pratiqués sur certaines céréales. Dans ce cas,
il y a soit une seule espèce de grain, soit un mélange dans
des proportions équivalentes, la méture*.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
FENAISONS ET FOURRAGES ARBUSTIFS
LA MOISSONNEUSE GAULOISE :
MYTHE OU RÉALITÉ ?
Andins* : lignes parallèles constituées par les rangées
d’herbes que le faucheur forme successivement au fur et à
mesure qu’il avance.
Anthropique* : En géographie et en écologie, l’anthropisation est la transformation d’espaces, de paysages,
d’écosystèmes ou de milieux semi-naturels sous l’action de
l’homme. Un milieu est dit anthropisé quand il s’éloigne de
la naturalité.
Méture* : pratique agricole consistant à semer ou à cultiver
plusieurs espèces en mélange dans la même parcelle.
Celles-ci peuvent ensuite être récoltées, traitées ou stockées
ensemble ou séparément.
67
66
Faucard, Ifs (Calvados)
Le site de La Haute Borne se développe sur la frange orientale
du plateau du Mélantois, situé à la confluence des rivières de
la Marque et de la Deûle. Diagnostiqué sur 140 hectares, fouillé sur 45 entre 2000 et 2013, il a permis de retracer l’histoire
d’un paysage agricole en bordure d’une voie antique.
La Haute Borne, une opération archéologique à l’échelle d’un
terroir
Au-delà de la reconnaissance ponctuelle d’occupations
anciennes, c’est véritablement à partir de 150 avant notre ère
que les vestiges archéologiques attestent une occupation
domestique dense mêlant aménagements agraires et parcellaires. L’évolution se poursuit durant la période antique avec
l’accroissement et le renouvellement des surfaces encloses,
des modifications architecturales sur les unités domestiques
et le déplacement des centres d’exploitation. A la fin du IIe
siècle de notre ère ou au tout début du IIIe siècle, le site est
abandonné.
Une aire de battage dans un enclos de la fin de la période
gauloise
Dès les premières campagnes de fouilles, pour documenter au
mieux les productions de la ferme, études archéologiques et
archéobotaniques ont été menées conjointement. Cette collaboration a conduit à un échantillonnage systématique avec
plus de 10 000 litres de sédiments prélevés, tamisés, triés et
observés au microscope. Ce lourd travail a notamment permis
l’identification d’une aire de battage située en dehors de la
zone d’habitat. Elle s’inscrit dans un enclos spécifiquement
dédié au stockage avec un puits, deux fosses et trois greniers
à quatre poteaux alignés le long d’un fossé. Dans le remplissage de ce dernier, trois couches charbonneuses ont livré une
forte concentration de résidus végétaux qui témoignent d’opérations réalisées sur le blé amidonnier après sa moisson.
Les restes liés au traitement des récoltes et notamment à
l’égrenage (balles et mauvaises herbes) sont concentrés sur
un même tronçon de quinze mètres de long. Probablement
68
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONSLES
DECAMPAGNES
GIAMONIOS GAULOISES
A CANTLOS AU
: LAFIL
SAISON
CLAIRE
DES SAISONS
UNE AIRE DE BATTAGE EN PLEIN AIR AU SEIN D’UNE ExPLOITATION AGRICOLE
MÉNAPIENNE À vILLENEUvE D’ASCQ, LA HAUTE BORNE (NORD)
dispersés par le vent, ils ont également été piégés, de façon
plus diffuse, dans un second fossé perpendiculaire, sur une
longueur de cinquante mètres. L’égrenage des céréales est
si souvent associé au fléau articulé (attesté depuis le IVe siècle
de notre ère) qu’il est communément appelé battage. D’autres
techniques peuvent être mises en œuvre : la récolte peut être
battue à l’aide de perches, foulée aux pieds par les animaux
(dépiquage) ou encore égrenée à l’aide d’instruments attelés
(chariot, herse, rouleau, planches garnies ou non d’éclats de
silex).
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Les auteurs antiques, comme Palladius et Varron ont décrit
les aires de battage et leurs modes de préparation. Les plus
fréquentes sont celles en terre battue, additionnée ou non
de brin de paille ; elles peuvent être également pavées, voire
taillées dans le roc. Aucun élément évoquant une installation
en dur de l’espace de battage n’a été observé et l’hypothèse
d’un emplacement en terre battue ou gazonné est la plus
vraisemblable. D’après l’ethnographie, les aires de battages
ne résistent pas aux intempéries et sont donc reconstruites
chaque année. Il semble toutefois que l’égrenage de l’amidonnier se soit répété au sein de cet enclos pour devenir une
activité pérenne. Une étude approfondie de la structure du sol
(micromorphologie) a permis de confirmer cette opération de
battage répétée aux abords du fossé.
500 m
0
À Villeneuve-d’Ascq (Nord), les opérations archéologiques conduites sur 140 ha ont permis de suivre l’évolution d’exploitations agricoles sur plus de quatre siècles.
Dans un enclos destiné au stockage, une aire de battage des céréales a été mise en évidence.
N
N
Aire de
battage
D’après les données ethnographiques et historiques, l’égrenage estival en plein air, tel qu’il semble avoir été pratiqué à La
Haute Borne, est un travail familial, qui occupe aussi bien les
hommes et les femmes de la maisonnée. Il ne fait probablement pas appel à des ouvriers spécialisés.
En regard des résultats liés à la carpologie sur le site, l’aire de
battage permet de confirmer qu’une de ses principales productions céréalières, durant la période gauloise, est le blé amidonnier. L’orge vêtue et le blé épeautre sont aussi attestés. Ces
trois céréales se maintiennent durant l’Antiquité. Cette production était destinée à la consommation des groupes familiaux in
situ et aussi probablement aux échanges commerciaux.
0
125 m
0
50 m
69
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONSLES
DECAMPAGNES
GIAMONIOS GAULOISES
A CANTLOS AU
: LAFIL
SAISON
DES SAISONS
CLAIRE
N
LES MOYENS DE STOCKAGE
Le stockage alimentaire peut être effectué dans divers contenants pour lesquels la documentation archéologique est
parfois lacunaire. Il en est ainsi des matériaux périssables,
comme les sacs de toile, les paniers et autres vanneries, ou
les coffres en bois, qui ne sont généralement pas conservés.
Les structures documentées en France septentrionale sont
le silo enterré, le grenier surélevé, la cave et le cellier, ainsi
que la céramique de stockage. Dans l’Ouest, l’entrepôt de
marchandises peut se faire aussi dans des souterrains.
70
Silos à céréales dans lequel deux corps ont été inhumés, Vénizel (Aisne)
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
Une fois acheminés dans l’exploitation agricole ou expédiés
vers d’autres habitats les productions végétales (cultures) et
animales (élevage et parfois chasse) étaient stockées. Les
fonctions du stockage sont relatives à la conservation des
semences, indispensables à la pérennité du système de
production agricole, à celle des denrées consommées par
les habitants qui les ont produites, ainsi qu’à celle relevant
d’une production excédentaire destinée à être redistribuée
vers la population non productrice (aristocrates, serviteurs,
artisans, commerçants, soldats …) ou vendue à l’extérieur de
la collectivité, selon différentes modalités.
LE STOCKAGE SOUTERRAIN
Le silo est une fosse assez profonde et volumineuse, permettant le stockage en atmosphère confinée des céréales d’une
capacité variant alors de 0,20 à 15 m3, avec une moyenne à
3 m3, ce qui représente 2,20 tonnes de céréales. Le principe
de fonctionnement est le suivant : on creuse une fosse en
sape, avec un diamètre d’ouverture n’excédant pas 1,20 m.
Le fond de la fosse ne doit pas être au contact de la nappe
phréatique (en contexte de fond de vallée) sous peine de
voir pourrir le grain stocké. Ce dernier peut être déversé
dans le silo encore humide, ce qui représentera d’ailleurs
un avantage certain dans la mesure où le niveau d’humidité
du grain permettra, une fois le bouchon hermétique installé,
de remplacer l’oxygène interstitiel par du gaz carbonique.
Le bouchon est constitué d’une alternance de couches de
paille, de cendre et d’argile, maintenues par une claie de
bois tressé (noisetier par exemple). Le grain au contact des
parois et du fond du silo va germer et produire une couche
compacte et étanche d’une dizaine de centimètres d’épaisseur. Le silo est alors stabilisé en atmosphère confinée,
permettant la conservation des céréales pendant plusieurs
années, voire plusieurs dizaines d’années. La morphologie
des silos de l’âge du Fer correspond à quatre grandes catégories, avec quelques variables liées à d’éventuels surcreusements. Ils sont tronconiques (en forme de tronc de cône),
piriformes (forme de bouteille ou de poire), discoïdes (forme
aplatie avec une panse large), ou cylindriques. La morphologie dominante est celle du tronc de cône, autorisant un
volume fonctionnel important, tout en restant assez résistant
à l’érosion des parois. Le silo doit être rempli et vidé intégralement à chaque utilisation. Cette forme de stockage ne
permet donc pas un accès facile et répété aux produits.
Les silos sont utilisés à plusieurs reprises, jusqu’à l’érosion
de leurs parois, engendrant une nette augmentation de leur
diamètre d’ouverture. Quand ce dernier dépasse 1,20 m, la
structure ne peut plus être bouchée hermétiquement et est
donc abandonnée, servant parfois de dépotoir.
Par ailleurs, surtout entre le Ve et le IIIe siècle avant notre ère, on
enregistre un retour à une pratique funéraire très particulière
au sein de certaines structures d’ensilage, comme à Venizel «
le Creulet » (Aisne). L’inhumation en silo, dans ou en périphérie des habitats, pose encore de nombreuses interrogations :
elle concerne les deux sexes, toutes les tranches d’âge, et
les défunts sont soigneusement installés ou au contraire
jetés depuis la surface, avec ou sans mobilier d’accompagnement. Les hypothèses d’interprétation sont nombreuses,
mais l’association d’un corps périssable et d’une structure
de conservation milite en faveur d’une certaine forme de «
momification symbolique ». L’hypothèse d’un culte aux dieux
souterrains (chtoniens) a également été avancée.
Silos enterrés et greniers bâtis
permettaient de conserver les céréales, soit sur le long terme en vue d’un usage différé (semailles), ou pour une utilisation immédiate (consommation).
71
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LE CONDITIONNEMENT
DES PRODUITS ALIMENTAIRES
Une occupation continue depuis l’âge du Bronze jusqu’à la
fin de la période romaine
Les premiers témoignages correspondent à des vestiges
d’habitations ou des lieux de stockage de céréales (silos
enterrés ou greniers) du début de l’âge du Bronze, soit environ 2000 ans avant notre ère.
Au premier âge du Fer, une série de petits bâtiments alignés
constitue le premier « village » gaulois, mais ce n’est qu’à
partir du IVe siècle avant notre ère qu’un important réseau de
fossés apparaît et façonne le paysage. Ces grandes structures linéaires, suivies sur plusieurs centaines de mètres,
délimitent les parcelles ou bordent des chemins. D’autres
fossés circonscrivent des enclos et protègent les zones d’habitations, de stockage ou de pacage, constituant ainsi les
premières exploitations agricoles de la région. Sur le secteur
d’Eterpigny-Barleux, le plus spectaculaire de ces enclos
possède un double fossé dont l’entrée dite « en touches de
palmer » est caractéristique de l’époque gauloise dans cette
partie de la Picardie. D’une superficie d’environ 3000 m² il
protégeait les récoltes stockées dans un grenier aérien sur
poteaux et quatorze silos enterrés.
Au début de l’époque romaine, une nouvelle ferme est
construite, elle-même entourée d’un fossé. Elle perdura
jusqu’au début du IVe siècle de notre ère.
Production et stockage des récoltes
Les quatorze silos d’époque gauloise découverts sur le
site n’ont pas tous été utilisés au même moment. Au fil du
temps de nouvelles structures d’ensilage ont été creusées
pour remplacer celles devenues impropres à la conservation
72
DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONSLES
DECAMPAGNES
GIAMONIOS GAULOISES
A CANTLOS AU
: LAFIL
SAISON
CLAIRE
Sur les communes d’Eterpigny et de Barleux, une opération
archéologique a été réalisée en 2010 et 2011 en préalable à
la construction du Canal Seine-Nord Europe et d’une plateforme agro-industrielle de Péronne. Ainsi, lors des diagnostics, les archéologues ont pu faire des observations sur une
surface d’environ 75 hectares dont 12, répartis en plusieurs
secteurs, ont été fouillés.
des denrées. Leurs volumes compris entre à peine 1 m3 et
8,5 m3 sont adaptés à une utilisation dans un cadre plurifamilial pour la consommation de céréales ou les semailles,
voire les échanges commerciaux pour les plus importants.
Il est également possible d’envisager que d’autres denrées
alimentaires y ont été stockées comme les légumes-racines
qui peuvent être prélevés en fonction des besoins.
Dans cet ensemble, une structure dont la morphologie s’apparente à un silo, se singularise par sa grande contenance :
plus de 30 m3. Son unicité pour la période gauloise nous
interroge sur sa fonction. A-t-elle servi pour l’entreposage de
denrées ? Un tel volume s’accorde mal avec ce que l’on
connaît des modes d’ensilage à cette période durant laquelle
les risques de perte devaient être limités au minimum. Pour
la remplir, il aurait aussi été nécessaire de disposer de vastes
espaces cultivés et même si ces derniers étaient déjà très
développés, à lui seul, le contenu de cette structure aurait
rassemblé la production de plusieurs dizaine d’hectares ce
qui paraît peu probable. La fonction de cette excavation reste
une énigme qui trouvera peut être une explication lors de la
fouille d’autres sites.
0
50 m
Vue aérienne des fossés de l’enclos et de l’entrée en « touche de palmer ». Les silos apparaissent sous la forme de taches circulaires.
Cultiver au fil des saisons
L’alternance des saisons dans la ferme gauloise d’Eterpigny peut être évoquée par l’étude des graines carbonisées
retrouvées dans l’une de ces structures de stockage où
elles étaient plaquées contre les parois et en partie germées
(blé amidonnier, orge vêtue et millet) ; ce sont les traces du
dernier contenu du silo. La répartition des semis sur deux
saisons est perceptible à partir des mauvaises herbes qui les
accompagnent. Certaines espèces comme le brome seigle
ou la matricaire inodore polluent les cultures d’hiver. D’autres
- le chénopode blanc et la persicaire à feuille de patience vivent dans les cultures d’été.
Epis de blé amidonnier
Coupe d’un silo du IIe siècle avant notre ère.
La forme en entonnoir est caractéristique de ce type de structure archéologique.
73
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONSLES
DECAMPAGNES
GIAMONIOS GAULOISES
A CANTLOS AU
: LAFIL
SAISON
DES SAISONS
CLAIRE
UN APERçU DE L’AGRICULTURE GAULOISE SUR LE PLATEAU DU SANTERRE.
LES RÉSULTATS ISSUS DE LA FOUILLE DE LA PLATE-FORME AGRO-INDUSTRIELLE
DE PÉRONNE (SOMME)
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LE STOCKAGE EN GRENIER SURÉLEvÉ
Le grenier complète le silo au sein des unités domestiques.
Il s’agit d’un bâtiment surélevé, sur pilotis et généralement
équipé de pare-souris (pierre plate ou segment de tronc
d’arbre) entre le poteau porteur et le plancher. Le grenier est
construit sur 4, 6 ou 9 poteaux. Les surfaces au sol de ces
édifices varient de 2 à 16 m2, avec une moyenne de 7 m2 pour
les 4 poteaux, de 4 à 30 m2 pour les 6 poteaux (moyenne de
15 m2) et de 9 à 36 m2 pour les 9 poteaux (moyenne de 18 m2).
On ignore si les dimensions au sol sont toujours celles du
bâtiment proprement dit, dans la mesure où il est possible
que certains planchers soient nettement débordants. Le
grenier affecte un plan carré ou rectangulaire et l’élévation est
réalisée en clayonnage et torchis, surmontée par une toiture
en chaume ou en bardeaux (planchettes de bois). L’espace
interne est dévolu au stockage alimentaire, sous différentes
formes, mais peut également servir de remise pour les outils
ou pour l’entrepôt de certains matériaux organiques non
alimentaires destinés à être transformés (fibres végétales ou
animales pour le tissage...).
Le stockage des denrées alimentaires végétales peut être
effectué en vrac, ou dans divers contenants, comme des
céramiques, des sacs de toile, des vanneries ou des coffres.
Il concerne tout aussi bien les céréales, que les légumineuses, les légumes ou les fruits.
Le stockage des productions alimentaires animales est
possible dans de grands vases de stockage (dolia) sous
la forme de salaisons, attestées par des cupules de corrosion chimique sur la paroi interne de certains récipients (un
tiers d’entre eux sur l’oppidum de Villeneuve-Saint-Germain
dans l’Aisne au Ier siècle avant notre ère). Certaines pièces
de viande (bœuf) auraient pu être conservées par séchage
comme la viande des Grisons. Le grenier est donc une structure multifonctionnelle permettant un accès aisé et répétitif aux produits stockés, ce qui représente un net avantage
par rapport au silo enterré. Néanmoins, son édification est
coûteuse en temps, en énergie et en matériaux et il convient
de préciser que les produits stockés doivent impérativement
être surveillés régulièrement (problèmes d’humidité ou au
contraire de combustion, ravages des insectes...).
75
74
Reconstitution d’un grenier surélevé à quatre poteaux.
À l’intérieur, les denrées stockées étaient à la fois protégées de l’humidité et des rongeurs grâce aux disques de
bois qui les empêchaient d’y accéder.
LE STOCKAGE DANS DES CÉRAMIQUES
Les caves et celliers semi-enterrés sont des fosses assez
volumineuses, dotées de parois verticales (parfois boisées)
et d’un fond plat (parfois enduit). Les caves sont généralement de plan carré et les celliers de plan rectangulaire. Les
caves sont souvent nettement plus profondes et dotées
d’aménagements internes plus élaborés. L’accès devait se
faire à l’aide d’une échelle (cave) ou d’un escalier en bois
(cellier). L’avantage de ces structures est d’offrir une température à peu près constante tout au long de l’année, propice
à une bonne conservation des denrées alimentaires, qui sont
entreposées dans des céramiques ou des contenants en
matériaux périssables (sacs, vanneries, paniers, coffres). Un
autre avantage non négligeable de ces structures est qu’elles
permettent une bonne conservation de productions végétales
sensibles à la lumière comme certains légumes par exemple.
Le stockage en céramique est attesté depuis le Néolithique
ancien, quasiment jusqu’à nos jours. Les plus grands vases,
d’un volume d’une centaine de litres, peuvent assurer une
conservation de produits solides (céréales, légumineuses,
légumes, pièces de viande, etc.) et liquides (eau, bière,
hydromel, vin). Il est intéressant de noter que toutes les unités
domestiques sont dotées de mobilier de mouture (meules à
va-et-vient jusqu’au début du IIe siècle avant notre ère et rotatives par la suite), ce qui implique que la production de farine
à la période gauloise a toujours été pratiquée par les différentes unités domestiques consommatrices, même dans les
oppida. Les céréales majoritairement cultivées à l’âge du Fer
dans le Nord de la France n’étant pas panifiables (amidonnier, épeautre et orge vêtue), leur consommation s’est probablement effectuée sous forme de bouillie ou de galette. La
farine a pu être stockée quelques jours dans des pots et des
urnes culinaires de plus petite taille que les grands vases de
stockage, directement au sein des maisons.
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LES CAvES ET LES CELLIERS
Dolium destiné au stockage, Ier siècle avant notre ère, Villeneuve-Saint-Germain (Aisne)
Fragment de galette de céréales, Villeneuve-d’Ascq (Nord)
77
76
La meule rotative permet de produire de la farine plus rapidement.
Au VIe siècle avant notre ère le stockage est majoritairement
effectué dans des greniers surélevés.
Tous les habitats de la fin du premier âge du Fer (période dite
de Hallstatt) comportent des greniers, les silos étant alors
très minoritaires : on compte généralement entre trois et cinq
greniers pour un silo. Certains sites ont livré de véritables
batteries de greniers (Bazancourt « Pomacle » dans la Marne
ou Bucy-le-Long « le Grand Marais » dans l’Aisne) qui correspondent à la centralisation des récoltes par l’élite, en vue de
leur redistribution dans un processus socio-économique de
clientélisme.
Au siècle suivant, les effectifs des greniers et des silos sont
généralement équivalents, certains habitats préférant les uns
plutôt que les autres, sans déterminisme environnemental.
C’est aux IVe et IIIe siècles avant notre ère que le stockage
alimentaire devient le plus visible avec la création de grandes
batteries de silos pouvant accueillir jusqu’à cent cinquante
structures d’ensilage, comme à Menneville « la Bourguignotte » (Aisne). Ces batteries de silos, distantes les unes
des autres de 8 à 10 km, contiennent généralement très peu
de mobilier et les sédiments de comblement des structures
ne sont pas anthropisés, confirmant leur éloignement des
habitats producteurs contemporains. Il est probable que ces
installations spécifiques au stockage soient dépendantes
de plusieurs sites de production, leur implantation en fond
de vallée résultant de la volonté de rapprocher les stocks
supra-communautaires des voies terrestres et fluviales de
circulation. Le IIe siècle avant notre ère est caractérisé par
une implantation assez diversifiée des habitats, qu’ils soient
ouverts ou enclos, en fond de vallée, sur les pentes ou les
plateaux. On enregistre encore quelques batteries de silos
au début du IIe siècle avant notre ère, comme à Betheny « les
Equiernolles » (Marne), mais la seconde moitié de ce siècle
est caractérisée par une nette raréfaction des structures de
stockage, alors que le nombre de sites est en constante
augmentation et que le climat s’améliore sensiblement.
C’est vers 120 avant notre ère qu’apparaissent les premiers
oppida dans le Nord de la France. Ces sites sont de véritables villes fortifiées, avec quartiers d’habitations et quartiers
artisanaux. Dans les sites ruraux voisins, le stockage est alors
assuré par quelques greniers, rarement des silos, et les capacités de conservation des productions végétales semblent
assez dérisoires. Elles ne concernent probablement que les
besoins des habitants du site et celui des semences. La part
excédentaire des récoltes n’est plus visible archéologiquement. Parmi les hypothèses qui peuvent être avancées, la
plus pertinente est celle d’un transport rapide des surplus
vers les oppida consommateurs, sans stockage préalable
dans les établissements ruraux producteurs. Dans les villes,
la conservation des productions végétales (et animales ?)
pourrait avoir été pratiquée dans de grands bâtiments, du
type « granges », tels que ceux qui ont été identifiés dans le
cadre de fouilles de grande superficie sur les oppida de Villeneuve-Saint-Germain (Aisne) et de Manching (Bavière).
ECOULER LES PRODUCTIONS ET ACQUÉRIR DE LA MATIèRE PREMIèRE
Les surplus alimentaires et les sous-produits de l’élevage
(cuir, toisons, laine, fromages, ...) produits par les fermes
étaient convoyés vers d’autres habitats dans des chariots
tractés par des animaux, ou portés par des animaux de bât.
Les cheptels pouvaient être conduits sur pieds. Sur des
chemins gaulois, on a découvert des traces profondément
ancrées dans le sol qui témoignent de passages répétés de
véhicules de transport.
À la ville ou dans les agglomérations, les productions font
probablement l’objet d’un marché, dont toute ou partie des
transactions étaient réglées en numéraire comme le souligne
le développement de la monnaie à cette période, le troc
demeurant possible.
C’est certainement dans de telles occasions que les forgerons des fermes se procuraient la matière première nécessaire à leur activité.
Le nord-ouest du Bassin parisien est pauvre en minerai de
fer, aussi des réseaux d’échanges à moyenne ou longue
distance, depuis d’autres régions productrices, avaient cours.
L’étude des activités de forge et de leur organisation régionale à la fin de la période gauloise a montré que les oppida
et certains villages ouverts étaient des centres de redistribution. Les forgerons des fermes alentours devaient donc
s’y approvisionner. Les villes étaient, elles aussi, soumises
aux contraintes d’acheminement du métal et devaient être
ravitaillées durant la belle saison. Contrairement à la voie
terrestre, impraticable en période humide et neigeuse, la voie
fluviale semble être la plus propice à cet acheminement car
elle est plus adaptée aux cargaisons pondéreuses. Toutefois,
il n’était probablement pas question d’affronter les crues de
fin d’automne, ni de se risquer à la baisse du niveau d’eau
de la période estivale. Ainsi, la navigation devait être importante au printemps et au début de l’automne. L’organisation
de ces échanges est difficile à restituer pour les périodes
protohistoriques. Le fer semble avoir une valeur commerciale importante étant donné la présence de très nombreux
lingots déposés et sacrifiés dans l’enceinte des sanctuaires,
aux côtés des armes et des restes de sacrifices animaux et
humains, comme à Thézy-Glimont (Somme) ou encore à
Gournay-sur-Aronde et Saint-Just-en-Chaussée (Oise).
Cette valeur varie suivant la qualité du métal. En effet, l’investissement en temps et en savoir-faire dans la préparation
en forge des lingots de fer de bonne qualité est non négligeable. Il fallait le chauffer et le battre longtemps, l’étirer pour
ensuite le replier sur lui-même plusieurs fois en pratiquant
des soudures. Cette mise en œuvre était très gourmande en
fer qui s’oxydait à la température et à l’air du foyer de forge.
La qualité du métal était matérialisée par la forme finale du
lingot, de sorte qu’un acheteur pouvait la reconnaitre à vue.
Ces catégories de matière devaient alors représenter une
valeur marchande différente. On achetait un type de fer en
fonction de la production envisagée.
Les fermes sans forgeron s’équipaient en produits finis sur
ces « marchés » or un artisan pouvait également se déplacer
dans la ferme voisine pour y pratiquer son art. Sans infrastructure pérenne, il travaillait en extérieur, dans un foyer confectionné au sol. Il venait avec ses outils, enclume, marteau
pinces, ciseaux… Tout ceci n’était également envisageable
qu’en période sèche.
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LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
EvOLUTION DU STOCKAGE ENTRE LE vIE SIèCLE ET LE IER SIèCLE
AvANT NOTRE èRE ET LA GESTION ÉCONOMIQUE DES SURPLUS
Lingot de fer, Glisy (Somme)
à partir de cette matière première, le forgeron fabriquait ses objets.
79
78
Creusets de bronzier et coulures de bronze, Saint-Quentin (Aisne)
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LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LE CHARBONNAGE
C’est également à cette période de l’année que le forgeron ou
des charbonniers préparaient le charbon de bois nécessaire
au travail de la forge car ce dernier nécessite un combustible dont le pouvoir calorifique est beaucoup plus élevé que
celui du bois sec. Grâce au charbon de bois, le forgeron
pouvait atteindre les températures suffisantes pour déformer
le fer par martelage. Il existait donc une activité importante de
charbonnage, probablement, mais pas nécessairement, au
plus près de la ressource en bois. Le charbon de bois peut
être produit simplement à l’étouffée, généralement au printemps ou en été, lorsque la terre est aisée à travailler. Cette
activité a laissé peu de traces archéologiques, cependant
quelques exemples permettent d’envisager l’usage de charbonnières en meule. À Travecy-Tergnier (Aisne), plusieurs
fosses circulaires de deux à trois mètres de diamètre et
d’une faible profondeur présentent une surface rubéfiée irrégulière et un remplissage cendreux. Leur répartition et leur
morphologie en font de bons exemples de charbonnières
pour l’époque augustéenne (27 avant notre ère à 14 de notre
ère). Des structures semblables ont aussi été découvertes
au cours des fouilles de l’A28 aux alentours du Mans sur le
site de La Bazoges et sont datées de la seconde moitié du
second âge du Fer.
81
80
Reconstitution d’un atelier de forge, archéosite des Gaulois d’Esse (Charente)
Le calendrier de Coligny partage, nous l’avons vu, l’année
gauloise en deux périodes : l’une sombre et l’autre claire.
La saison sombre commence avec Samain ; Samonios en
langue gauloise est aussi le nom de l’une des quatre fêtes
celtiques importantes. Elle avait lieu aux alentours du premier
novembre, et marque la fin de l’année et le début de la
nouvelle, la fin de la saison claire et le début de la saison
sombre. Elle revêt une réelle importance pour les Celtes
puisqu’elle est mentionnée sur le calendrier de Coligny : Tri
nox Samoni (les trois nuits de Samain), durant le mois de
samonios. La fête suivante, Imbloc a lieu vers le 1er février,
au mois d’anagantios selon le calendrier de Coligny. Vient
ensuite le pendant de Samain, Beltaine, qui a lieu au Ier mai,
le mois de giamonios. C’est le passage de la saison sombre
à la saison claire. La dernière a lieu au début du mois d’août
pendant la période des récoltes. Selon les saisons, chacune
de ces fêtes aurait donné lieu à des cérémonies présidées
par les druides. C’est durant celle de Samain que d’importants banquets rituels auraient pris place mais ils sont également envisageables lors des trois autres grands moments de
festivités. Les vestiges archéologiques liés à ces banquets se
traduisent par la spécificité de certains assemblages osseux :
sélection des morceaux et découpe de grosses pièces de
viande. Couplés aux estimations des âges d’abattage dans
un intervalle ne dépassant pas le trimestre, ces enseignements permettent de proposer des consommations extraordinaires à certains moments de l’année, où bœuf, porc,
mouton et chèvre sont impliqués dans des proportions
Rythme d’abattage des trois espèces domestiques principales suivant les saisons
(d’après les stades d’usure des dents), Souppes-sur-Loing (Seine-et-Marne)
45
variables suivant les lieux et la nature des fêtes. Que ce
soit au printemps, au moment où la nature s’éveille et que
les travaux agricoles reprennent, à la fin de l’été, lors des
récoltes, ou au début de l’hiver, lorsque les activités agricoles
rentrent dans leur phase de repos, où l’on passe de la saison
claire à la saison sombre, des pratiques de consommation
collectives impliquant un grand nombre de pièces de viande
prélevées sur des animaux sélectionnés sont avérées. La
fête de Samain correspond, par ailleurs, au pic d’abattage
des porcs (automne de leur seconde année), ce qui assurait une manne importante en viande fraîche pour les festins
et autres banquets, sans contrainte de stockage préalable.
Parallèlement, certains animaux sont probablement sacrifiés, déposés au fond d’une fosse. Ces pratiques renvoient
alors à des rituels propitiatoires chtoniens, où l’association
entre animal et silo plus spécifiquement, est lourde de sens
puisqu’elle exprime la combinaison des ressources carnées
et végétales.
Lors de la fête des feux de Beltaine (Ier mai), des festivités
devaient regrouper une foule impressionnante. La consommation alimentaire devait y être considérable, à un moment
de l’année suivant de près les difficiles temps de soudure
d’une année à l’autre (fin de l’hiver et début du printemps), ce
qui illustre clairement l’importance déterminante du stockage.
Les produits alimentaires végétaux semblent être abondamment consommés, c’est du moins ce que laisse supposer les
nombreux vestiges de meules brisées volontairement puis
déposées dans des fosses ou des fossés. Lors de ces festivités le vin était aussi consommé en abondance comme en
témoigne la découverte d’amphores dans quelques établissements ruraux de Picardie comme à Glisy (Somme), cependant elles sont présentes en bien plus grand nombre dans les
sanctuaires. Dans ces espaces cultuels, après des consommations massives de vin, le col de certaines amphores était
« sabré » d’un coup de lame, les panses brisées et l’ensemble
déposé dans des fosses.
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LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS DE GIAMONIOS A CANTLOS : LA SAISON CLAIRE
LE TEMPS DES FêTES
% d'abattus
40
C’est sur ces cérémonies porteuses d’espoir de futures
récoltes abondantes durant lesquelles des sacrifices étaient
consentis, ou moment de festivité pour fêter le renouveau de
la nature, ou bien de réjouissances pour le retour à la lumière,
ou encore de festins pour honorer la générosité de la nature
que ce clôt cette courte évocation de la saisonnalité des
campagnes gauloises.
35
30
25
20
15
10
5
troisième année
hiver
été
automne
hiver
quatrième année
printemps
été
automne
printemps
hiver
été
automne
hiver
deuxième année
printemps
été
automne
hiver
première année
printemps
été
automne
printemps
0
cinquième année
Nul ne sait si durant ces agapes, un barde était accroché à
un arbre …
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Amphore à vin, Variscourt (Aisne)
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Seau à garniture de bronze, Thugny-Trugny (Ardennes)
Seau à garniture de fer, Acy-Romance (Ardennes)
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Gril, Actiparc (Pas-de-Calais)
Vase peint aux chevaux, Eterpigny (Somme)
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Collier torsadé en fer, Poulainville (Somme)
Grand fer de lance, Poulainville (Somme)
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POUR TOUS
BIBLIOGRAPHIE DES RÉFÉRENCES CITÉES DANS LE CATALOGUE
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LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
POUR LA jEUNESSE
Tacite : Tacite. Annales, tome I, livres I-III, texte établi et traduit par P. Wuilleumier. Paris : les Belles Lettres, 1974-1994 (Collection des université de France. Série latine ; 18).
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Méniel Patrice, Les Gaulois et les animaux. Élevage, repas
et sacrifices, Errance (Collection les Hespérides), Paris,
2001.
Prilaux Gilles, La production de sel à l’âge du Fer.
Contribution à l’établissement d’une typologie à partir des
exemples de l’autoroute A16, Montagnac, Editions Monique
Mergoil, coll. « Protohistoire européenne», n°5, 2000.
91
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Thiébault Stéphanie, Archéologie environnementale de la
France, La Découverte, 2010.
Première de couverture : Scène de labour © B. Clarys
- Gravure de porc du XIXe, d’après Jamet E., 1864, Race porcine d’Ille-et-Vilaine. Journal d’agriculture pratique, Paris, Maison agricole de la maison rustique, 1864, 1, p. 17-19
Quatrième de couverture : Soc d’araire, original en chêne, Chevrières (Oise) ; fouille V. Bernard, L. 49 cm x 10,5 x 7,5 cm © Musée Antoine Vivenel, Compiègne (France) / S. Lancelot, Inrap
Page 48 : Grille d’un four à sel, Arras (Pas-de-Calais) ; fouille G. Prilaux et A. Jacques © V. Fautrez ;
Page 7 : Détail de l’évocation d’un paysage gaulois aux portes d’Amiens © B. Clarys
- Atelier à sel de Gouy-Saint-André (Nord-Pas-de-Calais) © A. Masse CDA-CG62
Page 12 : Photographie aérienne, Bray-lès-Mareuil (Somme) © R. Agache, Drac de Picardie
Page 49 : Reconstitution à Samara du four à sel de Pont-Rémy (Somme) © D. Bossut, Inrap ;
Page 13 : Carte des fermes gauloises © Coll. Base Fer / Inrap
- Pelle en bois, Sorrus (Pas-de-Calais) ; fouille Y. Desfossés, L. 73,5, l. 20 cm © Musée d’Opale Sud, Berck-sur-Mer / G. Dilly
Page 14 : Tombe de Boves (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap. Crochet de ceinture en bronze : L.7, 6 cm ; bracelets en bronze Ø. 7,9 cm et Ø. 6,6 cm (fragment) ; collier de perles :
Page 50 : Couvercle en bois, Sorrus, (Pas-de-Calais) ; fouille Y. Desfossés, Ø. 56, Ep. 5 cm © Musée d’Opale Sud, Berck-sur-Mer / G. Dilly
verre, lignite, ambre et os, Drac de Picardie, service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap ;
Page 51 : Mors de cheval, Ronchères (Aisne) ; fouille F. Malrain, Inrap, L. 24 cm, l. 13 cm, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
- Pince à épiler en fer, Glisy (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap, H. 15 cm, Drac de Picardie, service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap ;
Page 52 :
- Fibules en fer, Glisy (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap, Drac de Picardie, service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
- Socs d’araire : Villeneuve-Saint-Germain; fouille M. Debord, L. 20,1 cm x 12,4 cm © Musée de Soissons / M. Minetto ; Acy-Romance (Ardennes) ; fouille B. Lambot, l.5,2 x 8,2 cm ©
Page 15 : Scène de toilette © B. Clarys
Musée de l’Ardenne. Ville de Charleville-Mézières / Lisa Maronnier ; Ribemont-sur-Ancre L. 12,4 cm et L. 11,7 cm © M. Bourguet / Dépôt du Conseil général de la somme au Musée de
Page 16 : Calendrier en bronze de Coligny (Ain) © Musée gallo-romain de Lyon Fourvière / C. Thioc et J.-M. Degueule
Picardie Amiens ;
Page 17 : Détail du calendrier de Coligny (Ain) © Musée gallo-romain de Lyon Fourvière / C. Thioc et J.-M. Degueule
- Métapodes de bœuf : normal à gauche, extrémité déformée par le travail à droite (Wissous, Essonne) ; fouille J.-P. Quenez, Inrap, étude G. Auxiette, Inrap © S. Lancelot, Inrap
Page 18 et 19 : Restitution d’un paysage hivernal à l’époque gauloise aux portes d’Amiens © B. Clarys
Page 53 : Dessin de l’araire en chêne, Chevrières (Oise) © V. Bernard/CNRS ;
Page 20 : Pollens des milieux forestiers © M. Boulen, Inrap ;
- Pièce métallique en fer (reille), Croixrault (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap, L. 58 cm. Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap ;
- Hache à emmanchement à douille, Ribemont-sur-Ancre (Somme), L. 10,6, l. tranchant 6,6, L. 10,4, l. tranchant 6,1 cm © M. Bourguet /Dépôt du Conseil général de la Somme au Musée
- Brise-motte, Chevrières (Oise), original en bois, copie en résine ; fouille V. Bernard, CNRS, L. 24 x 22 x 4,5 cm © Musée Antoine Vivenel, Compiègne (France) / S. Lancelot, Inrap ;
de Picardie à Amiens ;
- Socs d’araire emboités, Villeneuve-d’Ascq (Nord) ; fouille P. Quérel, Inrap, L 14,3 x 7,5 cm © S. Lancelot, Inrap
- Herminette, Mondeville (Calvados) ; fouille C.-C. Besnard-Vauterin, L. 13,5 x 5,5 cm © Musée de Normandie-Ville de Caen / O. Caillebotte-Arciveuro
Page 54 : Calendrier des semis, d’après F. Toulemonde 2013, complété
Page 21 : Pollens des milieux anthropisés © M. Boulen, Inrap ;
Page 55 : 1 et 2. © V. Zech, CNRS ; 3. © F. Toulemonde ; 4. Cultures expérimentales, île de Saint-Germain, Paris © Aubry LAURENT, Arvalis, Institut du végétal
- Fossé du site de Glisy « Les Terres de Ville » (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap © S. Gaudefroy, Inrap ;
Page 56 : Analyse factorielle des correspondances © V. Zech, CNRS
- Photographie aérienne du site de Glisy « Le Bois du Canada » (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap © A. Boucher
Page 57 : Cartes des productions © V. Zech, CNRS
Page 22 : Fossé du site Glisy « Les Quatorze » (Somme), en cours de fouille © S. Gaudefroy, Inrap
Page 58-59 : Restitution du paysage gaulois sur la commune de Glisy en période estivale © B. Clarys
Page 23 : Photographie aérienne de Glisy « Les Quatorze » (Somme) © Artemia-Environnement/Inrap
Page 60 : Bêche ferrée, La Courbe (Orne) ; fouille C. Peuchet © Musée de Normandie - Ville de Caen / H. Paitier, Inrap
- Aménagement des parois d’un fossé © O. Carton, Inrap
Page 61 : Scène de labour © B. Clarys
Page 24 et 25 : Plan d’ensemble des sites fouillés sur la commune de Glisy (Somme) © S. Gaudefroy, Inrap
Page 62 : Forces, Poulainville (Somme) ; fouille F. Malrain, Inrap, 24 x 3,3 cm., Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © M. Minetto/Musée de Soissons et Ribemont-sur-Ancre
Page 26 : Umbo de bouclier, Glisy « Les Champ Tortus » (Somme) © Stéphane Lancelot, Inrap ; fouille A. Gapenne, Inrap, L. 36 cm, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie
(Somme), L. 21,8 cm. © M. Bourguet / Dépôt du Conseil général de la Somme au Musée de Picardie Amiens ;
Page 29 : Reconstitution d’un bâtiment sur sablières basses et poteaux porteurs au parc de Samara © S. Gaudefroy, Inrap
- Fonctionnement d’une fusaïole © O. Carton, Inrap ;
Page 30 et 31 : Reconstitution d’un bâtiment sur sablières basse et poteaux porteurs au parc de Samara © L. Moignet/Parc Archéologique de Samara
- Fusaïole, Glisy (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap, Ø. 4 cm, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
Page 32 :
Page 63 : Pesons en terre cuite © Service archéologique de la ville d’Arras/ M. Redouane ;
1. Hache à douille, Sermoise (Aisne) ; fouille F. Gransar, Inrap, 10,5 x 7,5 x 3 cm © CCE de Soissons
- Restitution de métier à tisser vertical à quatre barres de lisse et pesons © S. Gaudefroy, les Ambiani
2. Herminette, Mondeville (Calvados) ; fouille C.-C. Besnard-Vauterin, L. 13,5 x 5,5 cm © Musée de Normandie-Ville de Caen / O. Caillebotte-Arciveuro
Page 64 : Couteaux en fer, Saint-Laurent-Blangy (Pas-de-Calais) ; fouilles A. Jacques © Service archéologique de la ville d’Arras / M. Redouane ;
3. Scie, Villeneuve-Saint-Germain ; fouille M. Debord, L. 20,8 cm x 3,2 x 0,2 cm © Musée de Soissons / M. Minetto
- Dépôt de restes de consommation avec de nombreux agneaux, Vermand (Aisne) ; fouille P. Lemaire, Inrap © P. Lemaire, Inrap
4. Plane, Villeneuve-Saint-Germain ; fouille M. Debord, L. 22,9 cm x 5,3 x 3,3 cm © Musée de Soissons / M. Minetto
Page 65 : Inhumation de cheval, Pontpoint (Oise) © F. Malrain, Inrap
Page 33 :
Page 66 : Faucille, Fleury-sur-Orne (Calvados) ; fouille L. Paez-Rezende, Inrap, L. 23 cm © Musée de Normandie - Ville de Caen / O. Caillebotte – Archiveuro ;
- Empreinte de poteau, Poulainville (Somme) © F. Malrain, Inrap ;
- Faucard, Ifs (Calvados), L. 34,2, l. 5,5 cm © Musée de Normandie - Ville de Caen / H. Paitier Inrap
- Charbons de chêne et de noisetier © S. Coubray, Inrap
Page 69 : Sites de Villeneuve-d’Ascq (Nord) © C. Deflorenne et P. Quérel, Inrap
Page 34 : Bâtiment de Glisy « Les Champ Tortus » (Somme) ; fouille A. Gapenne, Inrap © S. Gaudefroy, Inrap
Page 70 : Silo à céréales dans lequel deux corps ont été inhumés, Vénizel (Aisne) ; fouille F. Gransar, Inrap © S. Desenne, Inrap
Page 35 : Reconstitution d’un bâtiment à toiture en bardeaux de chêne. Chantier naval de Pont-Rémy (Somme).© S. Gaudefroy, les Ambiani
Page 71 : Scène de stockage © B. Clarys
Page 36 : Restitution du chaudron de la sépulture aristocratique de Cizancourt/Licourt (Somme)
Page 73 : Photographie aérienne, Péronne (Somme) ; fouille D. Lamotte, Inrap © V. Thellier, AéroPhotostudio ;
Chaudron, bronze et fer ; fouille Ph. Lefèvre, réalisation J.-M. Gillet. Crémaillère, réalisation R. Harris © S. Gaudefroy, Inrap ;
- Coupe d’un silo Péronne (Somme) ; fouille D. Lamotte, Inrap © D. Lamotte, Inrap ;
- Fourchette à chaudron de Bucy-le-Long (Aisne) ; fouille S. Desenne, Inrap, 74 x 10,7 x 3,7 cm © Musée de Soissons / M. Minetto
- Epis de blé amidonnier © M. Derreumaux, Cravo
Page 37 : Scène de repas gaulois © B. Clarys
Page 75 : Reconstitution d’un grenier surélevé à quatre poteaux © Asnapio, Villeneuve-d’Ascq (Nord)
Page 38 : Landiers, Poulainville (Somme) ; fouille N. Buchez, Inrap, 46,3 x 36,4 et 52 x 37 cm, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
Page 76 : Meules rotatives © O. Carton, Inrap ;
Page 39 : Céramique, Poulainville (Somme) ; fouille F. Malrain, Inrap, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
- Fragment de galette de céréales, Villeneuve-d’Ascq (Nord) ; fouille P. Quérel, Inrap © D. Bossut, Inrap
Page 41 : Plan des sites de Saint-Quentin (Aisne) © P. Lemaire, Inrap
Page 77 : Dolium, Villeneuve-Saint-Germain (Aisne) ; fouille M. Debord, Ø. 50cm, H 55 cm © Musée de Soissons / M. Minetto
Page 42 : Plan interprété de la ferme de Vermand (Aisne) © P. Lemaire, Inrap
Page 79 : Lingot de fer, Glisy (Somme) ; fouille A. Gapenne, Inrap, H. 14,7 cm. Sect. 6,5 x 5,8 cm, 1685 g, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap ;
Page 43 : Plan de l’atelier de forge du site de Ronchères (Aisne) © F. Malrain, Inrap
- Creusets de bronzier et coulures de bronze, Saint-Quentin (Aisne) ; fouille P. Lemaire Inrap, L. 12cm © D. Bossut, Inrap
Page 44 : Marteau, Ribemont-sur-Ancre (Somme), L.13,6 cm © M. Bourguet / Dépôt du Conseil général de la Somme au Musée de Picardie Amiens ;
Page 81 : Reconstitution d’un atelier de forge, archéosite des Gaulois d’Esse (Coriobona, Charente) © Emmanuelle Cressent
- Serpe, Dompierre-sur-Authies (Somme), 24,3 x 4,5 x 2 cm © Musée d’Opale Sud, Berck-sur-Mer / G. Dilly
Page 82 : Amphore à vin, Variscourt (Aisne) ; fouille, P. Pion, H.104, Ø. 28 cm © Musée de Soissons / M. Jeanneteau
Page 45 : Photographie aérienne, Bray-lès-Mareuil (Somme) © R. Agache, Drac de Picardie
Page 83 : Rythme d’abattage des trois espèces domestiques principales suivant les saisons, Souppes-sur-Loing (Seine-et-Marne) ; fouille J.-M. Séguier, Inrap © G. Auxiette, Inrap
Page 45 : Moutons Soay © S. Barnes, Cranborne Ancient Technology Centre (Dorset, Great Britain) ;
Page 84 : Seau à garniture de bronze de Thugny-Trugny (Ardennes) ; fouille B. Lambot, Ø 30 cm, H. 30 cm © Musée de l’Ardenne. Ville de Charleville-Mézières / Lisa Maronnier
- Faux, Acy-Romance (Ardennes) ; fouille, B. Lambot, 56,5 x 16,5 x 4,4 cm © Musée de l’Ardenne. Ville de Charleville-Mézières / Lisa Maronnier ;
Page 85 : Seau à garniture de fer, Acy-Romance (Ardennes). fouille B. Lambot, Ø 19 cm, H 18 cm © Musée de l’Ardenne. Ville de Charleville-Mézières / Lisa Maronnier
- Faux, Mondeville (Calvados) ; fouille C.-C. Besnard-Vauterin, L. 46,3 cm © Musée de Normandie-Ville de Caen / O. Caillebotte-Arciveuro
Page 86 : Gril de Saint-Laurent-Blangy ; fouilles A. Jacques (SAM) et G. Prilaux (Inrap)
Page 46 : Lest de filet Boves (Somme) ; fouille S. Gaudefroy, Inrap, Lg. 11, lg. 9,6, ép. 2.6, poids 330 g, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Gaudefroy, Inrap ;
© Service archéologique de la ville d’Arras/ M. Redouane
- Restes de poissons, Acy-Romance (Ardennes) ; fouille, B. Lambot © P.Méniel, CNRS
Page 87 : Vase peint aux chevaux, Eterpigny (Somme) ; fouille D. Lamotte, Inrap, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
Page 47 : Animaux consommés par les Gaulois, par ordre de fréquence © S. Gaudefroy, Inrap ;
Page 88 : Collier torsadé en fer, Poulainville (Somme) ; fouille F. Malrain, Inrap, Ø 20 cm, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
- Distribution des âges d’abattage des porcs à Acy-Romance (Ardennes) © P. Méniel, CNRS ;
Page 89 : Grand fer de lance, Poulainville (Somme) ; fouille F. Malrain, L. 44, l. 5,5 cm, Inrap, Drac de Picardie, Service régional de l’archéologie © S. Lancelot, Inrap
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
LES CAMPAGNES GAULOISES AU FIL DES SAISONS
INDEx
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- Crâne de truie gauloise © P. Méniel, CNRS ;
Dos de couverture : Araire en chêne, Chevrières (Oise)
ISBN 9782908095463
EAN 9782908095463
15 €